• Arnaud Parienty » Blog Archive » Air France : que fait l’Europe ?
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    Les personnels hostiles à la grève des pilotes manifestent, le gouvernement annonce le retrait du versant européen du projet et la compagnie dément : on atteint les sommets de la confusion dans ce dossier. Les choses sont pourtant assez simples et, comme d’habitude, le gouvernement et l’Europe sont gravement responsables de ce qui se passe.

    Que veut la direction d’Air France ? Développer un opérateur low cost capable de concurrencer Ryanair ou Easyjet. Vaste programme : la filiale low cost du groupe Air France KLM, Transavia pèse aujourd’hui 14 avions, contre 500 avions combinés pour les deux spécialistes du secteur, qui sont en train de capter l’essentiel du trafic moyen-courrier en Europe par des tarifs imbattables.

    Comment faire pour avoir des prix compétitifs sur ce marché ? Il faut réduire les coûts, en baissant les salaires, en réduisant les services à bord et au sol, limitant le nombre des pilotes et en augmentant leurs horaires de travail. Primes comprises, un commandant de bord en fin de carrière émarge à plus de 200000 € chez Air France, un pilote débutant peut gagner dix fois moins dans une compagnie low cost.

    Déréglementation européenne

    Travailler (un peu) plus pour gagner (un peu) moins ? On comprend que les pilotes soient réticents. Mais le point essentiel est que, si Transavia acquiert une vraie dimension européenne, il devient possible d’embaucher des pilotes basés au Portugal aux conditions portugaises, en Roumanie aux conditions roumaines, etc… en fait de nantis, c’est contre une dérégulation généralisée que se battent les pilotes.

    Le basculement des salariés sur des systèmes sociaux étrangers aurait aussi de graves conséquences sur les retraites. Celles-ci sont gérées, dans des conditions très favorables pour les personnels, par une caisse spécifique, la CRPN. Celle-ci est aujourd’hui en équilibre précaire et lancée dans une fuite en avant, allant chercher des cotisants additionnels dans les pays francophones comme le Maroc. Si le nombre de cotisants baisse, c’est la catastrophe.

    Le low cost ou la mort ?

    D’un autre côté, que peut faire la compagnie, sinon jouer cette carte ou abandonner le terrain, comme l’a fait British Airways, aujourd’hui concentrée sur les long-courriers ? Le marché des vols courts et moyens courriers est important et totalement dominé par les compagnies low cost. Ryanair et Easyjet ont aujourd’hui les marges opérationnelles les plus fortes du secteur en Europe. Les résultats financiers d’Easyjet sont particulièrement impressionnants. Alors que Rynair incarne un modèle de hard discount aérien et d’astuces fiscales et sociales douteuses, dont on peut imaginer que les perspectives sont limitées, Easyjet est en concurrence frontale avec Air France, avec une sacrée longueur d’avance. Avec 22% de voyageurs « pour affaires », la compagnie a réussi à perdre son image « bas de gamme », tout en maintenant des coûts très bas. Desservant les grands aéroports et les destinations majeures, elle incarne un modèle de compagnie complète, mais bon marché.

    Si Air France veut exister en dehors du long courrier, il lui faut réduire fortement ses coûts. L’autre enjeu pour la compagnie est la gestion des sureffectifs. Les pilotes partant à 65 ans et les recrutements excessifs des dernières années font que le nombre de pilotes de la compagnie est trop important et que les jeunes pilotes attendent désespérément des promotions. Les autres personnels sont également attachés au développement ou au maintien de l’emploi et ont moins à perdre aux changements envisagés, ce qui peut expliquer que la grève soit restée cantonnée aux pilotes....

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