• Jean-Claude de l’Estrac, un vent du large pour la francophonie | le carnet de Colette Braeckman
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    Tractations de coulisses, jeux d’influence et enfin, décision finale, prise par les chefs d’Etat des pays membres de la francophonie réunis en sommet : durant longtemps, la procédure de nomination du secrétaire général de la francophonie, assez opaque, répondait à une série de non dits et on a longtemps cru que le poste devait revenir à un ancien chef d’Etat (le Sénégalais Abdou Diouf par exemple) ou qu’il fallait respecter une certaine alternance géographique (Afrique de l’Ouest hier, Afrique centrale demain…).

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    Mais c’est de l’Océan Indien que vient un souffle véritablement nouveau, une candidature inattendue qui pourrait bien bousculer les petites négociations entre amis : le Mauricien Jean-Claude de l’Estrac, 66 ans, ancien journaliste et patron de presse, longtemps ministre des Affaires étrangères et actuellement secrétaire général de la Commission de l’Océan Indien (COI) est bien décidé à conquérir le poste de secrétaire général de la francophonie et à imprimer à l’organisation un virage décisif, en direction de l’économie et de la promotion de l’emploi des jeunes.
    Même s’il n’a jamais été chef d’Etat et n’est pas issu du « pré carré » cher aux Français, de l’Estrac ne manque pas d’atouts et il présente la réussite de son pays, l’île Maurice, comme le meilleur des arguments : « après avoir dirigé l’Express, le principal quotidien mauricien, j’ai décidé, à 28 ans, de me lancer dans l’action politique et j’ai été élu député du Mouvement militant mauricien, un parti de gauche. Après avoir été en charge des Affaires étrangères, je me suis attelé au décollage de mon pays, à la tête du ministère du développement économique puis de l’Industrie.
    Qui se souvient qu’au moment de l’indépendance, l’île Maurice était présentée comme un cas presque désespéré, avec peu de ressources naturelles, une démographie galopante ? Nous avons fait mentir les prévisions catastrophiques en misant sur deux points : l’éducation gratuite pour tous et l’industrialisation. Situé au milieu de l’Océan Indien, notre pays a attiré les capitaux de Hong Kong et de Taïwan qui cherchaient à se délocaliser et nous avons misé à fond sur l’ouverture aux marchés européens que représentaient les accords ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Disposant d’une main d’œuvre abondante et bon marché, nous avons importé du textile indien et nous avons appris à tisser, à confectionner des vêtements. Par la suite nous avons du nous-mêmes importer de la main d’œuvre puis délocaliser, entre autres vers Madagascar. Aujourd’hui, nous produisons des articles hauts de gamme, à forte valeur ajoutée, nous misons sur la technologie et le pays est sorti de la pauvreté. »

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    A côté de cette inflexion économique, de l’Estrac entend aussi poursuivre les chantiers ouverts par ses prédécesseurs : renforcer la stabilité politique et l’état de droit, défendre le respect des minorités, créer des mécanismes d’alerte précoce afin de prévenir les conflits, tenter de combler la fracture numérique en rendant l’informatique accessible à tous…
    Sans nul doute, l’homme est un battant : en quête de soutiens, il fait le tour des capitales africaines, passe de Paris à Bruxelles et sans doute Québec où se trouve sa véritable rivale Michaëlle Jean. Mais l’ex-ministre est aussi un ancien militant de gauche, qui n’hésite pas à sortir d’autres cartes, inédites dans le cénacle francophone : 32.000 intellectuels, dont le prix Nobel de littérature Jean Marie Le Clezio, ont déjà signé une pétition soutenant sa candidature. Grâce à lui, la société civile, les intellectuels s’impliquent dans les choix de la francophonie. Une première…