• Le genre dans les sociétés égalitaires
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    La maxime la plus couramment exprimée dans les écrits anthropologiques contemporains est sans équivoque : l’égalitarisme généralisée des sociétés non stratifiées ne s’applique qu’imparfaitement aux femmes. Les anthropologues s’accordent à dire que dans ces sociétés les femmes n’étaient aucunement opprimées de la façon dont elles l’étaient dans les sociétés patriarcales classiques du monde méditerranéen et d’Orient. Cependant, aux yeux de la plupart des anthropologues qui écrivent sur le sujet, les femmes ont toujours été, à un degré ou à un autre, subordonnées aux hommes. D’où ce genre d’affirmations : « C’est une vérité sociologique commune que dans toutes les sociétés l’autorité appartient aux hommes et non aux femmes » ; « Les hommes tendent généralement à dominer les femmes » ; « La subordination des femmes se produit avec une remarquable constance dans une grande variété de cultures » ; « Les hommes ont toujours dominé les femmes politiquement et économiquement » ; « Quelle que soit la structure sociale, les hommes ont toujours l’ascendant sur les femmes ». On admet que l’institution largement répandue de la matrilinéarité – reconnaissance de la descendance par les femmes – renforçait le statut des femmes, mais on soutient aussi que la matrilinéarité substituait simplement à l’autorité des maris et des pères celle des oncles maternels et des frères aînés. Une égalité des sexes très rudimentaire est généralement admise en ce qui concerne nos ancêtres, mais on soutient néanmoins que les hommes avaient un statut légèrement plus élevé. « Les activités masculines font toujours l’objet d’un plus grand intérêt culturel et bénéficient de plus de prestige… Les femmes ne peuvent exercer une influence hors de leur famille qu’indirectement, à travers l’influence qu’elles exercent sur leurs parents ». Par conséquent, quelle que soit l’importance que revêt le travail féminin dans l’économie domestique, il ne suscite pas l’estime publique accordée au travail masculin. On prétend que le rôle des femmes est toujours « privé », celui des hommes « public ». Le travail féminin est limité au cadre domestique, il concerne les domaines familial et privé de la société. Les rôles dans la sphère publique sont l’apanage des hommes et la sphère publique est le lieu du pouvoir et du prestige. En effet, quelle que soit la nature du travail féminin, ou sa valeur économique, il n’est jamais considéré comme source d’attraction, d’enthousiasme ou de prestige. Les études contemporaines sur les femmes dans l’histoire et la société promettent d’imposer la révision de telles conceptions. La thèse selon laquelle une étape d’organisation économique et sociale égalitaire – le communisme primitif – a précédé l’émergence de la stratification dans l’histoire humaine n’a que récemment été largement acceptée par les anthropologues. Il n’y a pas si longtemps on se moquait d’une telle idée, qualifiée de « naïveté du XIXe siècle ». Une analyse approfondie révèle l’influence dont jouissaient les femmes dans de telles sociétés et la très large autonomie avec laquelle elles exerçaient leurs fonctions. On peut donc espérer qu’au cours de la prochaine décennie, la description stéréotypée, reposant sur le cliché de la domination masculine, du rôle des femmes dans de telles sociétés sera discréditée.

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