• Les mots et techniques de communication du pouvoir pour imposer les projets inutiles - Reporterre
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    Surtout, ce qui est censé « compenser » le scandale va en fait dans le même sens. Car la destruction comme la préservation des territoires par l’Etat, ces deux moments de leur aménagement, se font au détriment de leur usage commun par les populations locales qui s’en servent encore de garde-manger et de pharmacie. C’est notamment ainsi que les voient les vieilles paysannes et les jeunes « zadistes » qui n’ont pas intégralement délégué leur (sur)vie aux industries agro-alimentaires et pharmaceutiques.

    Ce que désigne l’aménagement du territoire apparaît ici clairement. Dans la plupart des cultures, les terroirs et les paysages étaient le produit de celles et ceux qui y vivaient ; tout cela est désormais « géré » d’en haut et de loin, par l’Etat central dépositaire de « l’intérêt général », lequel se mesure à la croissance du PIB, saupoudrée de « mesures écologiques ».

    Le territoire est ainsi soustrait aux gens qui y vivent et mis au service de l’accroissement du capital. Ce qui implique de faire la guerre aux usages vernaculaires et, si nécessaire, de déménager sans ménagement les populations locales.

    Construire l’acceptation sociale

    Toutes ces expropriations se sont faites sans trop d’opposition dans l’après-guerre, tant qu’il y eut un large consensus des communistes et des gaullistes en faveur du Progrès. Les choses se sont ensuite gâtées, notamment avec le « grand projet » de nucléarisation de l’Hexagone qui aboutit en 1977 au même crime que celui du 26 octobre 2014 : Vital Michalon est tué par une grenade offensive.

    Dans les années 1980, l’Etat crie alors à l’aide : comment donner un vernis démocratique aux projets mûrement imposés par les élites ? Et les sociologues de proposer un nouvel outil, la « démocratie technique » : au-delà de la propagande, il s’agit d’aménager la contestation, de l’intégrer au processus de décision pour mieux la gérer, la cantonner à un rôle de contre-expertise technique et anéantir en elle toute opposition politique.

    Il faut organiser des « forums hybrides » (Michel Callon) associant les représentants de l’Etat aux délégués des associations et autres organisations paragouvernementales, afin que la « société civile » puisse discuter et par là même valider démocratiquement les décisions prises par la technocratie.

    Il faut « cartographier les controverses » (Bruno Latour) et, si besoin, créer de toutes pièces des associations afin que, lors de ces débats, il y ait des acteurs de la « société civile » favorables aux projets des élites. Chacun verra alors qu’« en bas », il y a des « pour » et des « contre », que les choses sont « complexes » et qu’il vaut mieux laisser l’Etat savant s’en charger.

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