odilon

artiste aux mains pleines de doigts - visionscarto.net - Autrice de Bouts de bois (La Découverte)

  • Éloge du dehors de Liliana Motta
    Je viens de lire un extrait de ce #livre à paraître publié dans Les Carnets du paysage n° 26 qui m’a beaucoup plu
    voir ici http://seenthis.net/messages/281153

    L’artiste botaniste d’origine argentine y parle de polygonum, cette « saloperie » venue de l’étranger à laquelle elle s’identifie et lui a inspiré ce récit et la création d’un jardin et d’une collection de polygonum implantée en Sarthe (ce que j’ignorais) dans les Alpes mancelles

    Les Hautes Haies, Saint-Paul le Gaultier
    https://www.botanic.com/jardinerie/jardins-a-visiter/les-hautes-haies-saint-paul-le-gaultier-sarthe-72

    Venue d’Argentine poursuivre ses études aux Beaux Arts, Liliana Motta -créatice de ce jardin- s’est longtemps sentie une étrangère en quête de nouvelles racines. Sans doute, ce sentiment, avec une passion pour la nature et le monde végétal, a-t-il motivé sa démarche en faveur des plantes venues d’ailleurs qui ont su avec le temps s’imposer, se fondre pour devenir éléments essentiels de nos jardins comme de notre vie quotidienne. Dans un premier temps, elle a voulu montrer avec sa collection de #Polygonum, que des « mauvaises herbes », des « envahisseuses » , des cosmopolites jugées détestables par certains pouvaient devenir, comme tant d’autres au jardin, les belles compagnes adulées de demain. Se définissant comme une artiste botaniste, elle va poursuivre sa réflexion en initiant avec la population de son village un parcours botanique. D’autres communes voisines vont s’y associer, où plantes indigènes et plantes introduites préservent la mémoire des lieux tout en venant rappeler que la biodiversité est aussi enfant des migrations végétales et humaines.

    A Saint-Paul-le-Gaultier petit village des Alpes mancelles, les jardins ont créé une dynamique nouvelle entre les habitants, s’installant en des points inattendus, en bord de route, autour d’un lavoir, de l’église, près d’un plan d’eau… Autant de réalisations qui tissent des liens avec le voisinage, comme ce « Potager des légumes oubliés » du domaine du Gasseau, initiative de la communauté des communes qui vient raconter le passage de la plante sauvage à la plante cultivée mais aussi rappeler combien notre assiette serait triste sans l’arrivée des plantes du Nouveau Monde (tomates, pommes de terre, haricots, poivrons et piments, courgettes et citrouilles…). Une pédagogie de la rencontre, un hymne à la diversité, celle aussi de nos jardins d’aujourd’hui enrichis au fil des siècles de l’apport irremplaçable d’une végétation étrangère.

    Eloge du Dehors, un projet de Liliana Motta
    http://www.ressource0.com/eloge-du-dehors-un-projet-de-liliana-motta

    L’étude des Polygonum met en lumière leur spectaculaire adaptation après leur introduction en Europe. Bien que cette plante ait été introduite il y a plus d’un siècle par un seul taxon femelle, sa diversité génétique, sa plasticité phénotypique, son polymorphisme et son adaptabilité écologique lui ont permis de développer toute une série d’individus hybrides et de se maintenir dans son nouveau territoire. Pourtant, les qualités écologiques extraordinaires de ces plantes « étrangères » sont perçues comme un véritable désastre pour « l’ordre végétal » établi. Alors qu’elles pourraient aussi bien être considérées comme un apport à l’ensemble du vivant, leur réputation de « mauvaise herbe », « envahissante », les précède, oblitérant les bénéfices possibles que pourraient offrir ces nouvelles venues.

    Pour penser autrement le vivant et regarder ses changements avec plus d’empathie, Liliana Motta a créé la Collection nationale de Polygonum. Elle publie et organise de nombreuses conférences sur cette famille botanique mal comprise et souhaite aujourd’hui mettre en oeuvre une importante installation photographique, labyrinthique et immersive. Prolongeant la perspective ouverte par Jean-Jacques Kupiec, avec sa théorie de l’ontophylogénèse, elle rend à sa façon justice à toute la dimension positive de l’adaptation et à la formidable plasticité du vivant.

    Dans cet extrait, donc, elle évoque l’introduction de la plante en Europe au XIX e siècle, son expansion rapide grâce à ses facultés d’adaptation et d’hybridation et l’établissement à la fin des années 1990 par des scientifiques de tous bords de listes noires de plantes dites « adventices », « envahissantes », « mauvaise herbes » dont il faut se méfier, voire interdire de cultiver car elle met en danger les écosystèmes autochtones et la biodiversité nationale. Mais des chercheurs ont souligné que la plante, rudérale (qui pousse dans les friches), c’est installée spontanément dans des écosystèmes déséquilibrés à cause de l’activité humaine...
    La renouée est utilisée dans la médecine japonaise et chinoise, elle est antibactérienne, antivirale, antiallergique (c’est pour moi), etc...

    Bon, un tout petit passage au hasard :)

    Le mouvement des plantes, les hommes n’aiment pas, ni les jardiniers avec leurs parterres, ni les botanistes avec leurs inventaires. Ils sont gênés par celles qui ne se tiennent pas à leur place. Et malheureusement, cette injustice, cette inégalité dans l’existence, dans ce droit de vie sur un territoire, ne concernent pas que les plantes : « les femmes sont perçues comme dangereuses, au même titre que les migrants, les étrangers, les nomades, que tous les porteurs potentiels de mobilité ; d’étrangeté et de transgression, tous ceux qui peuvent franchir les limites du corps, du territoires ou des règles sociales »(Françoise Héritier).

    #botanique #hybride #mauvaise_herbe