Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Antonio Casilli : peut-on encore aimer Internet ? - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/03/antonio-casilli-peut-encore-aimer-internet-256885

    On dit souvent de la communication sur Internet qu’il s’agit d’une communication écrite qui reproduit certains traits de la communication orale, une communication qui passe par l’écrit, donc, mais sans les rigueurs de l’écrit en termes d’argumentation, de niveau langue, de syntaxe etc. Oui, certes. Mais il faut ajouter que la communication sur Internet reproduit ces élements de la parole qu’on appelle « phatiques » – tous ces mots comme « Allô », qui n’apportent pas d’autre information que de signaler une présence, qui ne disent rien d’autre que « Je suis disposé à te parler ».

    La communication internet regorge de ces éléments phatiques : la boule verte qui dit que je suis disponible pour tchater, le « like », le « poke », mais aussi le simple fait de retweeter ou d’ajouter à ses favoris.

    Cette communcation phatique devient de plus en plus omniprésente, et le malentendu peut s’installer. En effet, elle renvoie constamment à l’autre la responsabilité d’interpréter ce que je suis en train de dire. Que suis-je en train de dire quand je « like » un contenu sur Facebook ? Si je retweetee un message ambigu sur Twitter, suis-je en train d’y adhérer ? Parfois, non. Le fait de retweeter un message peut complètement inverser son sens. Et ces glissements de sens peuvent entraîner des réactions fortes.

    Donc Internet est moins le lieu d’une communication agressive, que celui d’une communication ambiguë, complexe, créatrice de malentendus, et pour laquelle nous n’avons pas encore tous les codes.

    C’est un peu grâce à Internet si on considère comme souhaitable l’« empowerement » citoyen, la transparence, l’ouverture des données, la rupture d’équilibres hérités du 19ème siècle, la remise en cause des logiques défectueuses de la représentativité en politique. On a eu le moment d’aveuglement nécessaire. Un premier pas a été franchi. Bien sûr, la réalité est moins parfaite que souhaitée, il y a encore beaucoup de travail. Mais quelque chose s’est passé.

    Ce qui m’impressionne, c’est que le discours politique qui se produit autour de l’ébranlement de certains grands secteurs de l’économie traditionnelle – transport urbain avec Uber, hôtellerie avec Airbnb – ressemble beaucoup aux types de débats qu’on avait au début des années 80 avec le thatchérisme. Le thatchérisme, c’était la privatisation de tout pour pallier l’inefficacité des structures existantes. On connaît très bien les conséquences de ce type de logique sur la société anglaise. L’uberisme, c’est du thatchérisme 2.0 : optimisation des chaînes productives, avec un discours de la prospérité généralisée, de la relance de la croissance, du bien-être du consommateur.

    Il faut trouver des manières de réglementer les géants industriels, d’imposer la transparence aux gouvernements, tout en garantissant le contraire de ça pour les petites collectivités et les individus. C’est la logique initiale du Parti pirate. Les individus doivent avoir un droit à l’opacité, à la vie privée, alors que les gouvernements doivent avoir un devoir de transparence.

    Il faut réglementer les grandes entreprises industrielles pour donner plus de liberté et garantir l’autonomie des individus. C’est cette opposition qui est significative, et pas celle qui consiste à mettre en regard les grands trucs de masse avec les petits trucs de niche.

    #culture_numerique #politique_numerique