La Rotative

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  • Légalisation de l’IVG : quand les médecins de Tours organisaient le triage des femmes (1/3)
    http://larotative.info/legalisation-de-l-ivg-quand-les-783.html

    Quarante ans après la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, retour sur les premières années de mise en œuvre de cette loi à Tours, quand certains médecins mettaient en place des « commissions de triage » des femmes.

    En 1975 à Tours comme en beaucoup d’autres villes, l’application de la loi Veil ne s’est pas faite sans heurts. Manque de locaux, de personnel, de matériel, le service de gynécologie-obstétrique ne fut pas en mesure de répondre immédiatement à une demande qui, du jour au lendemain, était devenue légale. C’est la période que choisit M. Soutoul pour mettre en place ces fameuses « commissions d’étude et de triage ». Elles seront, à l’automne prochain, lors du débat parlementaire, un des principaux éléments de discussion.

    En quoi consistent-elles ? Réunissant les spécialistes hospitaliers du service (professeurs agrégés et chefs de clinique), un médecin anesthésiste plein temps, un représentant du personnel soignant, une sage femme et une assistante sociale, ces commissions se fixent pour but d’étudier chaque dossier de demande d’interruption de grossesse et, par vote, d’accepter ou de refuser le droit à l’avortement. La femme est bien entendu absente de la discussion, et son dossier présenté par le médecin qui l’a vue en consultation. En plus du compte-rendu de l’examen gynécologique, ce dossier comprend des renseignements médicaux, sociaux, ainsi que — si elles existent — toutes les constatations faites par les autres spécialistes. Après discussion on groupe chaque « cas » selon la classification OMS (indications médicales, eugéniques, médico-légales, médico-sociales, sociales ou « convenance personnelle pure ») et l’on juge.

    Car il s’agit alors d’un véritable tribunal ; la défense : le médecin à qui la femme s’est adressée et qui doit théoriquement plaider sa cause ; l’accusation : l’ensemble de la commission ; le délit : tout simplement l’expression du désir d’avorter que l’on agrémentera ou non de circonstances atténuantes : proximité de la date des dernières règles, affections chroniques ou géniques prouvées, éthylisme maternel ou bilan prénatal perturbé. On procède alors au vote, et l’on inflige ou non la sanction : refus de l’interruption de grossesse.

    De telles commissions ont fonctionné à Tours de janvier à août 75, examinant environ 300 demandes et en refusant 220. Dans une étude publiée en juin de la même année, M. Soutoul et ses collaborateurs tiraient les conclusions chiffrées de ces trois premiers mois. Sur 150 demandes, on en refusa 110 classées « convenance personnelle pure », dont 22 « sans aucun motif médical » : 22 femmes qui n’invoquaient d’autre motif que celui de pouvoir bénéficier de la loi.

    (...)

    Au total donc, 220 femmes sur 300 se virent refuser l’avortement qu’elles désiraient, alors qu’elles avaient effectué les démarches prévues par la loi. Détail intéressant : quatre d’entre elles furent dans ce cas parce que la famille ou le mari souhaitaient garder l’enfant. L’enquête [de M. Soutoul] ne dit pas combien parmi elles ont trouvé une solution dans le florissant circuit parallèle tourangeau, pas plus qu’elle ne précise combien d’enfants non désirés par leur mère sont nés de ces 220 grossesses.

    #IVG #avortement #sexisme

    • La suite est ici http://larotative.info/legalisation-de-l-ivg-quand-les-795.html

      Les médecins vacataires durent alors aménager l’accueil, les consultations, le secrétariat dans les locaux initialement prévus pour les seules interventions : c’est la raison pour laquelle ils possèdent aujourd’hui un des centres les plus exigus de France. Mais au-delà de l’étroitesse des locaux, l’attitude de M. Soutoul eut une autre conséquence plus grave : l’absence totale de collaboration des gynécologues du CHU. Désireux de ne pas compromettre leur carrière hospitalière, respectueux de la hiérarchie du service, aucun des spécialistes de gynécologie-obstétrique n’a en 5 ans pratiqué un seul avortement au centre d’IVG.

      Le salaire dérisoire versé aux vacataires (120 F pour 3h30 de travail) n’attirant aucun des spécialistes de la ville, le Centre n’a pratiquement fonctionné que grâce à la collaboration de généralistes volontaires. C’est ainsi qu’on n’y a vu aucun des étudiants voisins du Certificat d’Études Spécialisées de gynécologie-obstétrique, assurés qu’ils étaient d’échouer à leur examen s’ils osaient déplaire à M. Soutoul en travaillant à « l’avortoir ».

      La demande n’évolue pratiquement pas depuis 1976, malgré une constante augmentation du secteur de recrutement. En effet, en dépit de la décision des responsables de n’accepter que les demandes provenant des femmes du département, il est pratiquement certain que sous une adresse d’emprunt des femmes viennent de l’Indre, du Cher et de l’Eure-et-Loir, partout où il n’existe aucune structure permettant de pratiquer les IVG.

      #avortement #sexisme #ivg cc @rezo