À Calais, les migrants gérés à coups de bottes | L’Humanité
▻http://www.humanite.fr/calais-les-migrants-geres-coups-de-bottes-563269?IdTis=XTC-FT08-A52ESR-DD-D
Tabassage, gazage à la lacrymogène… L’ONG Human Rights Watch
a publié hier un rapport accablant sur les violences policières
dont les exilés présents dans la ville et ses environs feraient l’objet.
Le 11 janvier dernier, de nombreux manifestants acclamaient les forces de l’ordre, rendant hommage à une police républicaine engagée, corps et armes, dans la traque des auteurs des attentats. C’est une image moins glorieuse des forces de l’ordre que nous donne à voir Human Rights Watch (HRW). L’ONG a rendu public, hier, un rapport sur les violences policières commises contre les migrants en quête d’asile dans le Calaisis. Sur le site Internet de l’organisation de défense des droits de l’homme, une vidéo donne à voir plusieurs hommes, femmes et enfants qui témoignent de nombreuses exactions des gardiens de la paix à leur encontre. Au total, 44 témoignages ont été recueillis entre novembre et décembre 2014 par Izza Leghtas, chercheuse de la division Europe de l’Ouest d’HRW. Parmi eux, 19 évoquent des maltraitances physiques. Et huit accusent la police de leur avoir fracturé un membre ou occasionné des blessures encore visibles. « Je marchais, normalement, raconte ainsi Salamou, un Érythréen âgé de vingt-huit ans, dont les blessures au visage sont encore apparentes. Quatre policiers sont sortis de leur camionnette et m’ont frappé à coups de bottes et de matraque. Ensuite, un policier a dirigé une lampe sur moi et a ri. J’ai supplié “Aidez-moi”, mais il a ri… » 21 personnes affirment également avoir été arrosées de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre, alors qu’elles n’opposaient aucune résistance. « Ils vous aspergent comme si vous étiez un insecte, décrit l’une d’elles. Cela nous arrive à tous, dans la rue. » Parmi eux, deux enfants disent avoir été victimes de ce coup de gâchette facile.
Bernard Cazeneuve met en doute les témoignages des victimes
Du côté des autorités, on dément à l’unisson. « Quelles que soient les accusations contre les policiers et les gendarmes qui assurent leur mission, tout ce qui peut être dit est infondé, affirmait péremptoire, le mois dernier, Thierry Alonso, futur ex-directeur de la sécurité publique et chef de la police dans la région. Il n’y a eu ni blessés, ni violences à l’égard des migrants. » Interrogé hier, le préfet, Denis Robin, a reconnu qu’un « nombre important de blessures » pouvaient être constatées mais qu’elles étaient dues aux « conflits violents entre réseaux de passeurs » ou à la maladresse des migrants « pendant les tentatives de passage » en Angleterre… Ajoutant, non sans un certain cynisme, que, « à (sa) connaissance, aucune plainte n’avait été déposée par des migrants ». Même son de cloche du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui reproche à HRW de n’avoir « pas pris la peine de vérifier les allégations dont elle fait état ». Les faits rapportés n’ont pourtant rien d’improbable. En 2012, le défenseur des droits avait déjà estimé que, « malgré les dénégations des fonctionnaires », les faits de violence rapportés par les associations étaient « avérés ». Lors des reportages effectués ces derniers mois par l’Humanité à Calais, les témoignages d’actes de maltraitance, imputables aux forces de police, ont pourtant été monnaie courante. Ils viennent s’ajouter aux conditions indignes dans lesquelles survivent les 2 500 chercheurs d’asile présents dans la région. Samedi, 3 personnes ont été conduites aux urgences après que 150 exilés d’origine africaine se soient intoxiqués en faisant brûler des traverses de chemin de fer, pour cuisiner et se réchauffer. Lundi, la préfecture avait ouvert un refuge, prévoyant matelas et couvertures pour 500 âmes. Les autres devant continuer de faire face au froid, aux averses de pluie… et aux coups de poing assermentés.