• Et quelques extraits...

      Sur la question de l’égalité dans la mobilité :
      « Il y a une petite partie du monde, en réalité assez minoritaire, des gens plutôt de couleur blanche, plutôt aisés financièrement, qui circulent à peu près librement dans le monde »

      « Le premier pas des migrants en Europe c’est le camp de détention, quand on est dans divers pays européens, de rétention quand on est en France. Du point de vue du droit les gens sont retenus, ils ne sont pas détenus parce qu’ils ne relèvent pas du droit pénal, mais du droit administratif »

      Manuela SALVI : « Ces migrants vous les qualifiez d’indésirables. Indésirables, voire invisibles »
      Michel AGIER : "Les deux termes sont liés. L’idée de l’étranger indésirable est une idée ancienne qui a été utilisée dans les années 1930 à propos des réfugiés espagnols, en 1939, quand il y a eu environ 550’000 réfugiés espagnols qui sont arrivés en France. On a parlé d’indésirables et une bonne moitié d’entre eux a été mise dans des camps de regroupement en France. Hannah Arendt a repris le terme ensuite dans un essai sur « Nous, les réfugiés », où elle parlait des Juifs dans le monde, et elle disait : « Nous n’aimons pas être appelés réfugiés », car cette identité est associée à celle d’indésirable, parce qu’on ne sait pas quoi faire de ces gens-là. On ne les veut pas dans le périmètre de l’Etat-nation. Elle évoquait la mort sociale qui préfigure la mort physique. Aujourd’hui on est dans un autre contexte historique. Je ne pense pas qu’on puisse parler de mort sociale, il faut faire attention aux termes qu’on utilise et qui seraient plutôt métaphysiques. C’est pour cela que je parle plutôt de disparition de l’étranger, de cet étranger indésirable. Il disparait de notre vue, donc les camps prolifèrent parce que ce sont des lieux où effectivement les gens ne meurent pas, parfois ils sont maintenus en vie ou en survie humanitaire. mais ils disparaissent de notre vie et de la société. Et donc cela produit à l’échelle globale une population d’étrangers dont la principale caractéristique n’est pas d’être de telle ou telle ethnie, de telle culture, de telle nationalité, mais d’être invisible, disparu"

      « D’ailleurs, on n’empêche pas les gens de se déplacer, on n’arrête pas la migration, qui est le principe du peuplement à l’échelle mondiale depuis que les hommes existent. Ce mouvement permanent de l’humanité, on ne l’arrête pas. Là, aujourd’hui, il y a des crispations au niveau des Etats à l’heure de la mondialisation qui voudraient retenir ou contenir les gens dans certains territoires extra-territoriaux pour qu’ils ne viennent pas troubler la cartographie des Etats-nations dont nous avons hérité. Or, cette cartographie aujourd’hui est réellement relativisée par le fait que nous tous nous vivons au-delà des frontières nationales. Nous avons des références qui sont globales, professionnelles, etc. et qui dépassent toujours le cadre de l’identité nationale »

      Manuela SALVI : « Et pour l’instant la réponse politique est sécuritaire, on n’a jamais construit autant de murs... »
      Michel AGIER : « Puisque nous nous emmurons, c’est qu’ils ont dangereux, et on produit comme cela le fantasme de l’étranger dangereux »

      « On a quelque chose aujourd’hui dans le monde qui est vrai pour tout le monde, pour les gens des pays du nord comme des pays du sud, c’est celui de la multi-localité. On peut s’ancrer dans plusieurs endroits dans sa vie, et on n’est pas ramenés à notre lieu de naissance ou à notre lieu de principale résidence »

      cc @reka