Sylvain Manyach

Ici, on parle de livres, d’idées, de musique, de droit public essentiellement

  • Quelles sont les limites de la liberté d’expression ? - La Vie des idées
    http://www.laviedesidees.fr/Quelles-sont-les-limites-de-la-liberte-d-expression.html

    Il faut cependant, selon Waldron, faire soigneusement une distinction entre propos haineux et propos offensants. Ces derniers se caractérisent par le fait qu’ils provoquent chez ceux qui en sont l’objet un sentiment subjectif de malaise ou de stress, parce qu’ils les considèrent comme insultants ou qu’ils les ressentent comme injurieux, comme manifestant une absence d’estime à leur égard. Mais il est possible d’insulter quelqu’un, de manifester que nous n’avons pas d’estime pour lui, sans pour autant considérer qu’il n’a pas les mêmes droits ou qu’il ne jouit ni du même statut civique ni du même droit au respect que n’importe qui. Ceci se produit tous les jours dans une société complexe où il n’est pas possible de ne pas être heurté par l’expression des idées et attitudes qui nous déplaisent, et où toute volonté de réprimer une expression sous le seul prétexte qu’elle déplaît à tel ou tel, ou qu’elle heurte sa susceptibilité, aboutirait à l’extinction définitive de toute parole expressive et de toute conversation sur autre chose que la pluie et le beau temps. Nous avons donc le droit de dire que la religion juive est une imposture ou une superstition grotesque – ce qui heurte la sensibilité des juifs – mais nous n’avons pas le droit de dire et d’écrire que les juifs tuent rituellement des enfants – ce qui mettrait en cause leur statut objectif de personnes dotées d’un statut égal. Certes, les propos haineux ont aussi des effets subjectifs pénibles mais ce n’est pas pour cette raison qu’ils doivent être réprimés et on sait que ce genre de propos peut causer du tort au statut égal de certaines personnes sans même qu’elles en aient conscience (par exemple les propos méprisants sur des personnes très âgées peu capables d’en mesurer le sens). J. Waldron propose d’utiliser le terme de « dignité » pour désigner le statut de citoyen égal à part entière qui est attaqué par les propos haineux. Mais, dit-il, si l’on trouve ce terme trop équivoque ou trop moral pour désigner ce qui est ici identifié comme un intérêt civil, il convient que c’est de la chose que nous disputons, et non pas des mots.

    #liberté-d'expression #haine #offense