Sombre

“Only the mob and the elite can be attracted by the momentum of totalitarianism itself. The masses have to be won by propaganda.” (Hannah Arendt)

  • L’archaïque Monsieur Valls - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2015-02-27-L-archaique-Monsieur-Valls#nb3

    A l’orée des années 1960, avec le remembrement, la révolution des assolements, puis la révolution chimique de l’agriculture — qui vont « doper » la productivité jusqu’à des niveaux jusqu’alors inconnus —, l’agriculture française mue, donnant naissance à un écosystème de plus en plus intégré. Coopératives, chambres d’agriculture, établissements d’enseignement agricole, recherche, innovation, tout progresse à pas de géant, dessinant un avenir radieux. La course à la croissance, l’agrandissement des exploitations, la maîtrise du foncier et l’émergence d’une véritable co-gestion entre l’Etat et le monde agricole, par le biais du syndicat majoritaire qui établira son emprise sur l’ensemble du secteur, jusqu’à la promotion de ministres de l’agriculture issus de son sein.

    C’est sur ce tableau de modernisation échevelée soutenue avec enthousiasme par le pouvoir gaulliste qu’émergeront les figures emblématiques de cette agriculture conquérante et fière d’elle. A gauche, M. Jean-Baptiste Doumeng, le « milliardaire rouge » qui commerce avec les pays de l’Est. A droite M. Alexis Gourvennec, le héraut des paysans bretons, capitaine d’industrie adulé qui créera les Britanny Ferries.

    Derrière l’imagerie, les rituels obligés, la visite annuelle des présidents de la République au Salon de l’agriculture, c’est aussi une puissance économique et politique qui s’affirme. Plus de la moitié des maires français sont agriculteurs, et, par ce biais « grands électeurs » des sénateurs qui siègent à la Chambre haute, le Sénat, cette « anomalie démocratique » que dénoncera M. Lionel Jospin dans les années 2000, lui reprochant, dans une France qui s’urbanise à grande vitesse, une surreprésentation du monde rural et de ses intérêts.

    Très tôt aussi cette cogestion se pimente de bras de fer virils, quand la profession ne se sent pas assez comprise, et soutenue. Manifestations violentes, dégradations, mise à sac d’établissements publics, prise à partie systématique des représentants de l’Etat, et, déjà, mise en cause des contraintes qui « tuent le métier ». Là, c’est une toute autre réalité qui s’impose, et deviendra un épouvantail pour tous les gouvernements, qui prendront la détestable habitude de céder aux exigences de la profession, instituant une autre regrettable « exception française »…

    #agriculture #productivisme #lobbying