« Nous, putes » | Contretemps
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Les luttes des #putes insiste sur la nĂ©cessitĂ© de qualifier la #prostitution comme un #travail et dresse le parallĂšle entre le travail #domestique et le travail sexuel. La notion de « sex work » a Ă©tĂ© forgĂ©e par Carol Leigh en 1978 alors quâelle assistait Ă un atelier intitulĂ© « #Industrie de lâ#exploitation du sexe » Ă lâoccasion de la confĂ©rence Women Against #Violence in Pornography and Media Ă San Francisco. Thierry Schaffauser la cite :
« Comment pouvais-je mâasseoir avec ces femmes comme une Ă©gale si elles me chosifiaient ainsi, si elles me dĂ©crivaient comme quelque chose quâon ne fait quâexploiter, niant par le fait mĂȘme mon rĂŽle de sujet et dâagente dans cette transaction ? Au dĂ©but de lâatelier, jâai suggĂ©rĂ© quâon change ce titre pour parler plutĂŽt de lâindustrie du “travail du sexe” parce que cela dĂ©crivait ce que les femmes y faisaient »10. (p. 18)
Si cette notion a pour but premier de dĂ©-stigmatiser la prostitution et dâouvrir un nouvel espace de revendication pour les prostituĂ©es, lâaffirmation du sexe comme travail permet en outre de dĂ©stabiliser les #dichotomies â natures versus culture, travail versus famille, public versus privĂ© â qui organisent les relations entre les sexes et les sexualitĂ©s11. En considĂ©rant le travail sexuel comme « une des formes de travail invisible et jugĂ© improductif, requis de la part des femmes afin de contribuer Ă la reproduction sociale du (vrai) travail » (p. 139), fĂ©ministes et travailleur.se.s du sexe activistes dĂ©naturalisent la sexualitĂ© et rendent visible les tĂąches spĂ©cifiques assignĂ©es aux femmes au sein de la division sexuĂ©e du travail. Or, la politique dâ« exception sexuelle » qui organise les cadres de la rĂ©flexion contemporaine sur la #sexualitĂ© en France et plus largement dans le monde occidental repose sur lâidĂ©e que la sexualitĂ© constitue en quelque sorte le dernier bastion dâun don libre dâĂ©conomie12. Ă lâinstar de lâexception culturelle, la sexualitĂ© doit ĂȘtre, selon le phrasĂ© abolitionniste, soustraite Ă la logique du marchĂ© dâoĂč la virulence des polĂ©miques autour de la prostitution. Les travailleur.se.s du sexe, en monĂ©tisant explicitement lâĂ©change sexuel, rendent visible le fait quâils rĂ©alisent un travail et « donnent ainsi du pouvoir Ă dâautres femmes qui, dans la sphĂšre privĂ©e, subissent des pressions pour ĂȘtre Ă la disposition sexuelle des hommes sans en tirer un intĂ©rĂȘt personnel » (p. 115). Par lĂ mĂȘme, il sâagit de dĂ©jouer lâillusion de #gratuitĂ© des relations sexuelles, mais Ă©galement de souligner que la #monĂ©tisation du corps nâest pas le monopole de la prostitution. Contre le principe moral qui voudrait que le corps ne soit pas une marchandise, Thierry Schaffauser adopte une perspective marxiste soulignant que pour lâessentiel des travailleurs, le travail relĂšve de fait dâune exploitation de leur corps : le prolĂ©taire loue bien ses bras pour travailler. En rĂ©inscrivant la prostitution dans le champ du travail, Les #luttes des putes invite ainsi Ă reposer les termes du dĂ©bat et, de lâusage du corps dans le travail sexuel en particulier, Ă rĂ©flĂ©chir Ă lâusage du corps dans le travail en gĂ©nĂ©ral. Sans pour autant faire du travail sexuel « un travail comme les autres », lâauteur veut au contraire voir ce qui dans le travail sexuel trouble le #capitalisme et le #patriarcat.
cc @mona