• Günter Grass : avoir le dernier mot
    http://www.larevuedesressources.org/gunter-grass-avoir-le-dernier-mot,630.html

    Hommage au grand écrivain allemand né à Dantzig/Gdansk en 1927 et mort ce lundi 13 avril 2015 à Lübeck avec ce texte qui revient sur la richesse et la complexité de l’œuvre et met en évidence le courage personnel de celui qui était né d’une mère cachoube et d’un père allemand, comme le héros du Tambour (Die Blechtrommel, 1961). RP Dans un entretien accordé au Frankfurter allgemeine Zeitung paru le 11 août 2006, le romancier le plus célèbre d’Allemagne, Günter Grass, a reconnu avoir été membre de la Waffen (...)

    #Controverses

    • « Le souvenir aime le jeu de cache-cache des enfants, écrit l’auteur du Tambour. Elle dissimule. Elle tend à la belle parole et maquille, souvent sans nécessité. Elle contredit la mémoire, qui se montre pédante et qui, querelleuse, veut avoir raison. Quand on lui pose des questions, le souvenir ressemble à un oignon, qui veut être épluché, afin que puisse apparaître lettre après lettre ce qui peut être lu : rarement univoque, souvent écrit à l’envers comme dans un miroir ou bien encore énigmatique. « Tout au long de son récit, Grass avance d’énigme en énigme, cherchant à éplucher l’oignon peau après peau, jamais sûr de bien comprendre les vraies raisons d’un aveuglement persistant. « Lorsqu’après mon onzième anniversaire à Dantzig et ailleurs les synagogues brûlèrent et les vitrines furent brisées, j’étais certes inactif, mais j’étais là en tant que spectateur curieux, j’observais comment une horde de SA mirent à sac, dévastèrent la synagogue de la Michaelisweg, non loin de mon école ». Cette passivité était l’expression d’une connivence profonde : « En tant que membre des Jeunesses hitlériennes, j’étais un jeune nazi. Croyant jusqu’à la fin. (...) Pour décharger le jeune homme et moi du même coup, on ne peut pas dire : On nous a séduits ! Non, nous nous sommes, je me suis laissé séduire ». Cette reconnaissance d’une responsabilité individuelle et collective est cruciale, et seule l’activité littéraire, enfin pleinement autobiographique - alors que jusqu’à présent Grass, dans ses œuvres, faisait miroiter certains aspects de sa vie et de sa personnalité -, seule l’activité littéraire est apte à déployer dans toute sa vérité et son authenticité cette part de responsabilité à laquelle ni l’enfant ni le vieillard Grass ne peuvent échapper. Dans ces conditions seulement, l’écrivain qui a fait de l’écriture une épreuve de vérité peut avoir le dernier mot.

      Depuis hier, assurément ce que j’ai lu de plus pertinent sur le sujet.