• Caroline Fourest accusée de mensonge : les faits - Arrêt sur images
    http://www.arretsurimages.net/articles/2015-05-03/Fourest-accusee-de-mensonge-par-Caron-sur-France-2-les-faits-id7705

    Citation tronquée ? Réprimande du CSA ? Procès perdu ?

    "Fourest menteuse" : les réseaux sociaux sont sévères avec l’écrivain et polémiste Caroline Fourest, accusée de mensonge par le chroniqueur Aymeric Caron sur le plateau de l’émission de France 2, On n’est pas couché. Au delà du "clash" repris un peu partout entre Fourest et Caron sur le plateau de Ruquier hier soir, à propos du livre Eloge du Blasphème de la réalisatrice-polémiste, nous nous sommes penchés sur les éléments de la controverse : citation tronquée ou non ? Réprimande du CSA ? Condamnation pour diffamation ? Rappel des faits.
    "Ca me fait chier de parler avec quelqu’un d’aussi con que vous." Caroline Fourest a eu recours à l’insulte, sur le plateau de On n’est pas couché, sur France 2, samedi 2 mai 2015, où elle assurait la promotion de son dernier livre Éloge du Blasphème. Dans ce livre, elle répond à ceux qui ont critiqué Charlie Hebdo (journal auquel elle a collaboré jusqu’au départ de Philippe Val), avant et après les attentats de janvier. Interrogée sur plusieurs "affaires" par le chroniqueur de l’émission Aymeric Caron, la journaliste lui a répondu qu’elle refusait de débattre avec "quelqu’un d’aussi con".
    Le chroniqueur de l’émission lui reprochait pincipalement de vouloir régler des comptes avec tous ceux qui ne partagent pas sa vision de l’antiracisme et de la laïcité. Il s’étonne par exemple que le livre s’en prenne sur ce thème à Mediapart et Arrêt sur Images, que Caroline Fourest qualifie dans son livre "d’anti-laïques" (3:20 dans la vidéo ci-dessous, et le passage du livre est ici).

    Le premier reproche qu’adresse Caron à Fourest est celui de "déformer les propos" des personnes avec qui elle veut "régler des comptes". Le chroniqueur prend l’exemple de la militante antiraciste Rokhaya Diallo, avec qui Fourest s’oppose régulièrement (comme lorsque Diallo a remis un "Y’a bon awards" à Fourest). "Sur Rokhaya Diallo, quand vous expliquez qu’elle déplore que Dieudonné ne soit plus visible dans les médias parce qu’il tient des propos antisémites, ce n’est pas vrai", indique Caron.
    Mais que trouve-t-on vraiment dans les deux livres en question, celui de Caroline Fourest, et celui de Rokhaya Diallo ? Dans celui de Fourest, on peut lire que "Diallo s’émeut dans un livre qu’un humoriste passé de l’antiracisme à un antisémitisme obsessionnel ne soit plus si populaire dans les médias". A l’appui de cette affirmation, Fourest cite une phrase de Diallo : "Considéré comme un antiraciste à ses débuts, il a vu sa carrière basculer et son image publique se modifier après avoir tenu des propos antisémites". Une citation particulièrement neutre qui n’indique en aucun cas que Diallo le déplorerait. Reste à voir le contexte dans lequel Diallo a tenu ces propos.

    Dans son livre Racisme : mode d’emploi Diallo développe un passage sur la condamnation du racisme dans notre société. "Les personnes publiquement reconnues comme racistes, y compris celles qui ne le revendiquent pas, sont désavouées au point de voir leur crédit disparaître. L’humoriste Dieudonné en a récemment fait les frais. Considéré comme un antiraciste à ses débuts, il a vu sa carrière basculer et son image publique se modifier après avoir tenu des propos antisémites. Boycotté par la plupart de ses pairs et peinant à trouver des salles de spectacles, ses prises de position lui interdisent dorénavant l’accès à la quasi-totalité des médias. Son étiquette de « raciste » est devenue contagieuse : les personnes paraissant à ses côtés deviennent infréquentables. Dans ce cas précis, le dispositif social de rejet du racisme a montré son efficacité et a permis le rappel à l’ordre d’un fauteur de troubles", analyse la militante antiraciste, semblant saluer la mise à l’écart de Dieudonné. Mais elle juge aussi "regrettable que la sanction sociale se soit traduite par une forme de censure l’empêchant d’exercer son métier". De ce texte contradictoire, chacun tirera les conclusions qu’il souhaite.
    "LES GLOBES OCULAIRES" UKRAINIENS
    Le chroniqueur de France 2 fait ensuite référence à une réprimande du CSA à la suite d’une chronique de Caroline Fourest (@si vous en parlait ici). Le CSA avait été saisi de plaintes à propos de l’émission Le Monde selon Caroline Fourest le 6 mai, après une chronique sur l’Ukraine. Fourest y faisait état d’exactions commises, selon elle, à l’encontre d’officiers ukrainiens par des pro-Russes. On pouvait l’entendre dire que "les paramilitaires séparatistes venaient de leur arracher les globes oculaires avec un couteau". Une information qu’elle disait tenir d’un "journal ukrainien" mais que le CSA avait estimé trop peu fiable, "eu égard à sa sensibilité".
    CSA
    Fourest avait ensuite violemment attaqué le CSA, l’accusant de ne pas réprimander ces "confrères [qui] servent de relais, bêtes et neutres, à des intox ou à des propos mensongers". "Les radicaux, les démagogues et les désinformateurs professionnels peuvent dormir tranquilles. Le CSA veille à les protéger. Les pro-Russes, parfois aussi militants du Front national, peuvent aussi se réjouir", déplorait la journaliste.
    RABIA BENTOT ET L’AGRESSION ISLAMOPHOBE
    Surtout Caron a évoqué la condamnation judiciaire de Caroline Fourest en octobre dernier (dont @si vous parlait ici). Le litige remonte au 25 juin 2013 et une chronique de Fourest intitulée "Faut-il être féministe pour dénoncer l’agression des femmes voilées ?". Dans cette chronique, la polémiste mettait en doute les propos d’une jeune femme voilée, agressée quelques semaines plus tôt par deux hommes à Argenteuil. Fourest estimait que la police "doutait" de la version de la jeune fille, Rabia Bentot, et de celle de son père. "[La police] n’exclut pas un règlement de comptes familial, une opération punitive destinée à faire payer à la jeune femme son style de vie, jugé trop libre, ce qui changerait évidemment tout", expliquait Fourest, évoquant la possibilité d’une agression "bidonnée". Elle soulignait par ailleurs que le père de Rabia Bentot ne la laissait pas s’exprimer lors d’un entretien pour le site Oumma.com.
    Jugeant ces propos diffamatoires, la jeune femme en question, Rabia Bentot, a déposé plainte. La 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris (spécialisée dans les affaires de presse) a donné raison à Bentot et condamné Fourest à verser 3 000 euros de dommages et intérêts à la plaignante, le 23 octobre dernier. Les juges ont estimé que pour sa défense Caroline Fourest "se bornait à produire quelques coupures de presse dont aucune n’évoque les faits sur lesquels elle appuie son imputation diffamatoire" et que les déclarations de la victime "figurant dans le PV ne diffèrent pas du récit qu’elle donne lors de l’interview diffusée sur oumma.com, au cours de laquelle son père, loin de lui couper la parole, explique qu’il n’était pas présent et que c’est à sa fille de s’exprimer".

    L’entretien de Rabia Bentot pour Oumma.com en juin 2013
    Sur le plateau de France 2, Fourest assure pourtant, à plusieurs reprises, avoir "gagné son procès". "Si elle dit qu’elle a gagné son procès, vous pouvez quand même la croire, abonde alors Ruquier. Demain tout le monde pourra vérifier". Problème : aucune des deux parties n’était immédiatement joignable ce matin.

    "L’AFFAIRE EN APPEL N’A PAS ÉTÉ JUGÉE"

    Mais avant même la diffusion de l’émission, Caron et Fourest s’opposaient sur Internet par blogs interposés, sur ce fameux procès. Le chroniqueur de France 2 a d’abord répondu sur le blog des "Invités de Mediapart". "Contactés cette semaine, la Cour d’appel de Paris et Maître Hosni Maati, l’avocat de Rabia Bentot, confirment deux choses : Caroline Fourest a bien été condamnée le 22 octobre 2014 pour diffamation et l’affaire en appel n’a pas encore été jugée. Le bulletin de la Cour d’appel concernant la procédure dans le dossier BENTOT/FOUREST, qui m’a d’ailleurs été transmis, établit en effet qu’aucune date d’audience n’est encore fixée", détaille Caron.
    Fourest a elle aussi publié une note, sur son blog, titrée "Droit de réponse à Mediapart et Aymeric Caron". Elle y regrette que Mediapart, ce "relais de la propagande de Tariq Ramadan et de ses alliés" vole au secours de Caron. Mais sur la condamnation, et son éventuelle victoire à un procès, comme elle l’affirme sur le plateau de France 2, elle entretient le flou. "[Le père de Rabia Bentot] a obtenu gain de cause en première instance à la très grande surprise de mes avocats, tout à fait confiants pour l’appel. L’avocat adverse doit penser la même chose. Il a délibérément laissé filer le délai de prescription pour que cet appel n’ait pas lieu, et abandonné les poursuites", avance Caroline Fourest.
    Problème : pourquoi, si elle a finalement "gagné ce procès", n’en a-t-elle jamais parlé (alors qu’elle enjoignait aux sites qui ont relayé sa condamnation de rectifier en cas de victoire en appel) ? Si la journaliste n’a pas fait appel de sa condamnation en première instance, comme c’est à elle de le faire pour contester la décision, elle ne peut s’estimer "affranchie de cette plainte" puisqu’elle a perdu le premier procès. Et si elle a bien décidé de faire appel (comme elle l’indiquait elle-même), il faudra attendre le procès en appel (dont la date n’a pas encore été fixée) pour savoir si oui ou non elle est condamnée. Et c’est d’ailleurs ce que semble indiquer l’avocat de Rabia Bentot, Hosni Maati, sur Facebook : "Contrairement à ce qui peut se dire, l’affaire est toujours en cours et Rabia Bentot ne nous a aucunement donné pour consigne de nous désintéresser de l’affaire l’opposant à Caroline Fourest. Notre détermination à voir la Cour d’appel de Paris confirmer le jugement du Tribunal de grande instance reste intacte."