Monolecte 😷🤬

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • « The Human Centipede 3 » : en défense de la #violence extrême au ciné | Bad Taste | Rue89 Les blogs
    http://blogs.rue89.nouvelobs.com/bad-taste/2015/05/14/human-centipede-3-en-defense-de-la-violence-extreme-au-cine-2

    Au bureau aussi, c’est « Saw »

    Un #capitalisme qui finit par coloniser les esprits. Après le physique, place au mental. Comme dans les « torture flicks », la trilogie « Hostel », les sept « Saw ». Des #films dégoulinant de ketchup dont la #torture est l’ingrédient principal. Des films complaisants dont la vision est qualifiée de voyeurisme. Mais des films qui donnent à penser. Comme « Saw » où un prisonnier doit sacrifier un œil pour trouver la clé qui peut le libérer d’un masque menaçant de lui exploser le visage. Qui, selon l’auteur, « illustre pleinement le principe de la double contrainte ». Qui « est une forme de coercition qui avance masquée, sous couvert d’une alternative ». Et qui, dans l’#entreprise, fait « office de méthode de management » :

    « En demandant à un employé ou un cadre de respecter des objectifs fixés de manière à ne plus pouvoir être atteints qu’au prix d’un sacrifice personnel (vie familiale, santé physique et psychologique), au risque de perdre sa place, on le place sciemment dans la même situation que les victimes de “ Saw ”. »

    Conclusion en forme d’ouverture : l’entreprise est une entreprise de #mort, le capitalisme, le mal absolu et l’open space, un camp d’extermination. C’est ce qui ressort de son analyse de « Salo » de Pasolini qui, niveau énucléation et mutilation, n’a rien à envier au « Saw » de James Wan. Film qui délocalise Sade en Italie, à l’époque de la république sociale italienne de Mussolini. Où les #bourreaux libertins sont remplacés par des bourgeois fascistes et les victimes aristocrates par des ouvriers paysans. Des bourreaux exploiteurs et des victimes exploitées qui, par leur passivité, semblent accepter cette exploitation. Une division des rôles, une parcellisation des tâches qui est la preuve d’une taylorisation des esprits. Or nous rappelle l’auteur :

    « C’est le découpage, la taylorisation des tâches qui rendit possible la mise en place de la machine de mort nazie. C’est sur cette implication individuelle, cette responsabilité collective que repose le film de Pasolini. Et le spectateur est inclus, à travers la position de voyeur qui lui est associée [des exécutions filmées à travers des jumelles, ndlr] renvoyant chacun à sa propre passivité, à sa propre servitude volontaire, face à un ordre social injuste. »

    • L’ensemble du texte me semble quand même très partiel et partial - pour ne pas dire complaisante.
      J’ai consommé et je consomme encore pas mal de films de genre, mais je n’irais pas chercher dans ce cinéma (encore moins dans cette consommation) trop de ’subversion’. Ni même peu. Il me semble peu nécessaire de venir surenchérir de cette manière là sur le nihilisme de l’ordre social que nous vivons - je ne vois guère cette complaisance apporter quoi que ce soit à nos consciences et à nos sensibilité qui soit propice à ne serait-ce qu’à une plus grande lucidité sur lui, et sur nous même.
      De part mon expérience de révolte et de consommation, je doute fortement que l’on sorte plus révolté, sinon révolutionnaire ou seulement « progressiste » d’une telle projection.
      Pour ce qui est des mutilations physiques les plus sanglantes, des humiliations, double contraintes, et autres situations insupportables, il me semble que ma vie comme celle de mes contemporain-e-s n’en manquent pas, (entre ma propre vie et mon entourage proche, j’en ai rencontré, subi et vu subir plus que suffisamment pour avoir de quoi penser contre le monde dont elles participent, et je sais être bien loin de faire partie des plus défavorisé-e-s) et que le spectaclisme grossier qui fait le plaisir du cinéma et de l’entertainment ne procure guère d’outils pour les identifier, les reconnaître, parce qu’elles se manifestent bien autrement IRL. Il est beaucoup plus violent et douloureux de se confronter à celles qui jalonnent structurent et sous-tendent nos vécus surtout dans ce qu’ils nous paraissent les plus normaux et intégrés, les plus banals,"sans histoire". Il me semble que cette réalité là donne déjà assez à penser, et que l’insoutenable ne s’y cache pas loin ; que l’effort d’aller la questionner en profondeur est tout autre, mais qu’il peut aboutir aussi à des remises en cause un peu plus épaisse qu’un écran de cinéma.
      Et qu’au contraire, l’outrance spectacliste participe presque toujours plus sûrement du façonnage d’une idée confortablement repoussante et caricaturale du mal, voir de sa grotesque fétichisation...

      Par ailleurs, l’affirmation qui suit, en partie vraie, me semble au moins légère et relever ici d’une forme de méthode coué, de midi à la porte de l’auteur , pour ne pas dire participer de la banalité d’un négationnisme très présent, dans ce qu’elle ignore :

      C’est le découpage, la taylorisation des tâches qui rendit possible la mise en place de la machine de mort nazie.

      Je renvoie ici encore au travaux de#Rosa-Amelia_Plumelle_Uribe et à #la_Férocité_blanche, qui argumente que

      La hiérarchisation raciale illustre la débâcle morale de l’Europe. Le nazisme, en transposant des non-Blancs au non-Aryens cette dévaluation des êtres dits « inférieurs », a commis le crime impardonnable de porter au coeur du monde européen une férocité jusqu’alors réservée à d’autres continents.

      (Quatrième de couverture)

      Autrement dit, sans l’histoire coloniale et esclavagiste de l’europe, et la construction du racisme qu’elles impliquèrent, la taylorisation des tâches à elle seule n’aurait suffit à rendre possible l’entreprise nazie d’extermination : la destruction ou l’anéantissement des inférieurs tiennent d’abord à l’infériorité qui leur est faite, et à la déshumanisation inéluctable que cette infériorité implique. Des européens bien sous tout rapport, considérés en occident, ont massacré et anéanti, se sont fait machine de mort sur la personne d’indigènes et d’autochtones au quatre coins de la planète bien avant la taylorisation, et sans états d’âmes.
      Autrement dit encore, pour faire très court, la déshumanisation commence avant la taylorisation - je serai même enclin à penser que c’est de l’inévitable déshumanisation des inférieur-e-s par qui les domine, qu’est venue la possibilité d’imposer aux prolétaires la taylorisation. Ce qui ne fait pas moins de cette dernière une causalité aussi dans l’extermination des juifs d’europe - mais cela la resitue au sein d’autres causalités, nettement moins confortables à aborder pour la gauche, les progressistes, les révolutionnaires ou les amateurs de cinéma d’horreur et de subversion.

    • J’aime aussi beaucoup le cinéma de genre, y compris le nanard décérébré, mais j’ai assez horreur de ces films-là, justement.
      Cela dit, l’analyse dans cet article m’a interpellée. Et c’est particulièrement vrai pour l’extrait que j’ai sélectionné.
      Après, ça ne me fera pas voir ce film. Ni les autres.

      L’aptitude à la cruauté de notre espèce me dégoutte suffisamment en elle-même sans que j’ai besoin de mise en scène. Mais l’analyse de l’extension de la cruauté au corps social et la manière dont on l’occulte sous des justifications qu’on finit par rendre acceptables me semble tout de même très pertinente.

    • Il y a quelque chose dans le ton de cet article qui m’évoque assez violemment le petit monde de l’art contemporain - pour avoir accroché des expos et accueilli des visiteurs/surveillé des oeuvres durant quelques années, je ne suis pas fermé hermétiquement aux oeuvres qui demandent une explication de trois pages pour être compréhensibles, ou se voir proposer un sens. Simplement, au cas où ce sens m’intéresse, je me dis qu’il y a des moyens nettement plus simples et pertinents d’évoquer et partager ce sens, que de commencer par déconcerter violemment un public qui sera assez peu motivé à dépasser sa réaction initiale, ou à y revenir ensuite.
      Il me semble que ce genre d’explication de film a quelque chose de gratuit - où l’auteur expose surtout ce qu’il a envie d’y voir.

      La critique aborde des faits sociaux qui me semblent pertinents à moi aussi -

      Au bureau aussi, c’est « Saw »

      mais aussi

      Si la bande passante est illimitée, pourquoi devrions-nous nous limiter ? Pourquoi ne pas tout regarder ?

      par exemple mais ces questions justement de par leur pertinence me semblent ici bien plus sûrement mises au service d’une justification voir d’une idéalisation d’un cinéma plus ou moins auto-proclamé « extrême », et donc d’une complaisance vis-à-vis, et d’une idéalisation de la consommation de ce cinéma là, que l’inverse.

      (de fait, ça n’est pas tant que l’on parvienne ou non à regarder Saw ou The Human centipede - même si ce sont pour moi aussi des films horribles -, que ce que l’on éprouve le besoin de se raconter à soi même à propos de cette consommation là, qui m’interpelle)