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    • L’appel de PACBI dénonce la collaboration entre Locarno et le Fonds israélien du cinéma. En quoi est-elle problématique ?

      Eyal Sivan : En 2005, l’Etat hébreu a lan­­cé une grande campagne nommée « Branding Israël ». Elle formule la néces­si­té de re­dorer l’image du pays, ternie dans le monde, selon trois axes : promouvoir la culture dite progressiste, recourir à des personnalités publiques en tant qu’ambassadeurs de bonne volonté et vendre Tel Aviv comme une ville accueillante pour les homosexuels. Faute de pouvoir défendre sa politique, le gouvernement envoie donc à l’étranger des artistes – qu’il tient par ail­leurs pour des traîtres – afin de présenter une vitrine positive du pays. Dans son discours au Fes­ti­val de Haïfa, Shimon Peres s’est adres­­sé ainsi aux ci­­néastes israéliens : « L’Amé­ri­que a imposé sa culture à travers le cinéma, nous allons imposer notre image à travers le cinéma, c’est votre devoir. »

      Tout cinéaste qui montre son film à ­l’étranger sous la bannière officielle d’Israël serait de fait récupéré à des fins de propagande. Même s’il exprime un point de vue critique ?

      – Sachant que 85 % de la société juive israélienne a soutenu l’attaque sur Gaza l’été dernier et que 70 % de la société israélienne vote à droite ou à l’extrême droite, comment se fait-il que la majorité des films dont on soutient la diffusion à l’étranger soient critiques ? Ils ne le sont en fait pas tant que ça. A y regarder de plus près, leur propos peut souvent se résumer en une phrase : nous sommes misérables parce que nous sommes obligés d’opprimer les autres. La figure victimaire par excellence, c’est le pauvre soldat de Tsahal contraint de participer au massacre de Sabra et Chatila – vous voyez certainement de quel film je parle (le documentaire animé Valse avec Bachir, ndlr). En déchirant ce voile progressiste, que voit-on ? Que des films plus radicaux comme ceux d’Avi Mograbi ou les miens ne sont pas vus dans le pays, pas distribués dans le circuit commercial. Le public israélien s’en fout ou nous insulte !