Monolecte 😷🤬

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • L’entreprise de dépossession - @la_vie_des_idees
    http://www.laviedesidees.fr/L-entreprise-de-depossession-3054.html

    Du taylorisme au #management moderne, les modèles d’#organisation du #travail ont toujours cherché, selon Danièle Linhart, à déposséder les salariés de leurs savoirs professionnels. Cette #dépossession dans le travail est aujourd’hui également subjective, ce qui la rend très difficile à combattre.

    (...)

    Mais comment fait-on pour obliger des gens qui sont un peu libres à appliquer ces méthodes standard ? C’est là que la précarisation subjective intervient pour justement déposséder les salariés de leurs savoirs, de leurs métiers, de leurs expériences, de leurs collectifs, de tout ce qui les rassure et qui met de la sérénité dans le travail. On les en prive par le changement permanent puisqu’à partir du moment où tout bouge constamment, ils perdent leurs repères et sont précarisés subjectivement. Même s’ils ont des #emplois stables, ils sont obligés d’aller chercher les « bonnes » procédures, les « bonnes » pratiques. Ils y sont obligés car ils ne maîtrisent plus rien. La précarisation subjective, c’est justement reconstruire un sentiment de vulnérabilité identique à celui des précaires chez ceux qui ne le sont pas. On les déstabilise pour qu’ils se raccrochent aux codes. En faisant un nombre assez important d’interviews dans des secteurs diversifiés, j’entends les gens dire qu’ils n’y arrivent plus. Ils expliquent comment il y a sans cesse des #restructurations de service, des recompositions de métier, des changements de missions... Par exemple, à Pôle emploi, les salariés expliquent que tout bouge tout le temps. Certains disent : « Vous me demanderiez de me situer dans l’organigramme, je ne peux pas. Je ne sais plus de qui je dépends ». Il y a donc un sentiment de non-maîtrise entraînant un état d’inquiétude permanente. Autre exemple, celui des infirmières qui disent : « On nous change constamment de service. On ne connaît donc pas les armoires où il y a les médicaments. Avant, on savait que tel médicament était là, tel instrument était ici... Maintenant, comme on nous change tout en permanence, on ne sait plus. On perd du temps. On veut en gagner mais on risque de faire des bêtises ». Tout cela génère de l’appréhension, de la peur, de l’anxiété. Et du coup, lorsqu’on leur dit : « C’est très simple. Il faut faire comme ça », les salariés se tournent alors vers ces pratiques, ces procédures, ces méthodes qui ont été mises au point par des experts qui ne connaissent pas les métiers et sont absolument indifférenciées quel que soit le secteur. Mais les gens acceptent parce qu’ils ont un profond sentiment de précarité, d’impuissance, d’absence de maîtrise de leur travail. Du coup, il y a une perte de sens parce que ce n’est plus le sens de leur travail, selon les règles de leur métier, selon leur expérience, selon ce qui les amenés à vouloir être les professionnels qu’ils sont, mais c’est une espèce de logique managériale qui les conduit. Récemment, un responsable des ressources humaines m’a dit : « Moi, mon rôle, c’est de produire de l’amnésie ». Cette formule est extraordinaire, elle montre qu’avec le changement permanent, les gens doivent oublier comment ils travaillaient avant pour appliquer ces méthodes.

    • Très intéressant. Et en même temps, il y a là une critique du « changement permanent » qui me dérange. Peut-être faudrait-il mieux distinguer ces formes de changement. Il y a d’un côté, celui qu’on applique à soi-même et à ceux avec lesquels on travaille, consistant à améliorer, peaufiner, rendre plus efficace ou meilleur, le travail que l’on fait. Et cette injonction au changement, à l’oubli, à l’amnésie, à la dépossession. Le problème est qu’ils procèdent certainement d’un même mouvement et qu’ils sont très difficile à distinguer l’un de l’autre, car profondément liés. Pourtant, l’un est délétère quand l’autre est vertueux.

    • Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain... Le changement est l’essence de la vie et accélérer la boucle de Boyd est l’essence de l’efficacité - et tout ça reste vrai même si les gestionnaires à la petite semaine confondent vitesse et précipitation, apprentissage et bourrage de crâne, service et servilité, ordre et autoritarisme, changement et chaos.

      J’automatise, je réorganise, je surmonte les résistances au changement - c’est mon métier et je suis convaincu que c’est bon... Mais ça ne fonctionne que lorsqu’on le fait avec les gens et non contre eux. En école de gestion, à l’époque de la vogue du re-engineering j’ai appris à le faire contre les gens... Dans la pratique je me suis pris des baffes et des échecs, et j’ai appris.

      De l’incompétence managériale donc, mais la cause première est plus loin : pour faire du bon boulot de gestionnaire, il faut parfois dire « non » (ou plutôt ses synonymes « oui mais » et « oui et » - délicieuse dialectique diplomatique) au gestionnaire d’au-dessus qui presse pour atteindre les objectifs promis. Or la paupérisation et la précarisation des employés touche aussi les cadres qui ne se sentent plus en position de résister - et ils canalisent alors directement et sans filtre la pression d’en haut vers leurs subordonnés qui se trouvent alors essentiellement occupés à garder la tête hors de l’eau dans les rapides. Mais bon, ça fera bien dans les prochains résultats trimestriels alors whatever !

    • A lui seul changement ne veut rien dire et ne parle surtout pas de sa nature. Évolution ? Régression ? Destruction ?
      Le changement est seulement défini par le passage d’un état à un autre. Et en économie la conduite de changement permet à l’entreprise de faire adhérer les équipes au projet de transformation et de diminuer la période de moindre productivité. Même si les dites équipes sont les grandes perdantes de ce changement.
      Changement est devenu le moyen facile de répondre à toute critique sociale et à renvoyer le contradicteur dans les limbes du passéisme et de la mélancolie. C’est un vocable de soumission.