• Le cinéma se féminise lentement, mais surtout au profit d’héritières, Olivier Alexandre, auteur de « La Règle de l’exception. L’écologie du cinéma français », Eds de l’Ehess.

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/22/le-cinema-se-feminise-lentement-mais-surtout-au-profit-d-heritieres_4638316_

    Cette #inégalité de traitement occulte toutefois une évolution de fond. A partir des années 1980, le développement des filières de formation a ouvert une place significative aux #femmes. Entre 1990 et 2011, 43 % des diplômés du département « réalisation » de la prestigieuse Ecole nationale supérieure des métiers de l’image et du son (la Fémis) étaient des étudiantes. Les générations successives de « fémissettes » ont porté le flambeau d’un mouvement d’affirmation d’un regard féminin. Les films de Céline Sciamma, Alice Winocour, Valérie Donzelli, Mia Hansen-Løve ou Rebecca Zlotowski élargissent à chaque nouvelle édition du Festival une brèche ouverte par Claire Denis, Pascale Ferran, Solveig Anspach et Noémie Lvovsky.

    Les femmes ont donc gagné droit de cité, et pourtant peu d’entre elles accèdent au cercle resserré des réalisateurs consacrés. Ce décalage s’explique en premier lieu par des #carrières écourtées. Si les femmes se présentent désormais en nombre quasi égal au seuil de la carrière, elles y renoncent plus rapidement. Alors que la mise en scène est évoquée dans un registre vocationnel par une majorité de réalisateurs, elle est le plus souvent décrite comme une incursion temporaire par les réalisatrices, enclines à considérer l’échec et l’inégalité de reconnaissance comme une composante « naturelle » de leur destinée sociale.

    Déficit de crédibilité

    A cette « causalité du probable » répond un ensemble de stratégies d’adaptation et d’anticipation, discriminantes du point de vue de la reconnaissance artistique. L’anticipation de l’échec conduit les réalisatrices à opter pour une #activité mieux sécurisée.
    (...)

    Cette somme de facteurs semble plaider en faveur d’une discrimination positive propre au domaine cinématographique. Des quotas de femmes dans les sélections cannoises ? Une politique aussi radicale qu’improbable. Il se pourrait en réalité que les femmes œuvrent déjà à l’amélioration de leur condition, à partir des postes de décision. Le primat du masculin y est en effet battu en brèche depuis la fin des années 2000. Sidonie Dumas (Gaumont), fille de Nicolas Seydoux, Ariane Toscan du Plantier (Gaumont), fille de l’ancien président d’Unifrance, Sophie Dulac, héritière du fondateur de l’agence Publicis, Nathalie Bloch-Lainé, passée par Canal+ et Europacorp, où a également officié Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet et conseillère de Nicolas Sarkozy, Véronique Cayla, Anne Durupty et Frédérique Bredin, au CNC et à Arte, témoignent de cette féminisation des #élites cinématographiques, tandis que des productrices comme Margaret Menegoz, Régine Vial ou Anne-Dominique Toussaint marquent un changement de paysage.
    Mais l’horizon des #minorités politiques ne s’arrête pas à la cause des femmes, et cette procédure de féminisation reporte les interrogations sur la diversité d’un milieu socialement cloisonné, où les héritiers et les héritières, Parisiens, Blancs et #bourgeois, continuent de donner le la de la production. La bonne mesure, capable de concilier hiérarchie du goût et #démocratie du talent, reste donc à trouver.

    #cinéma