Monolecte đŸ˜·đŸ€Ź

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • Noam Chomsky et la stupiditĂ© institutionnelle
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    Emmanuel Kant a dit que notre expĂ©rience dĂ©pend non seulement de la nature du monde extĂ©rieur mais aussi de notre appareil perceptif et de nos catĂ©gories mentales. Il y a le monde phĂ©nomĂ©nal, le monde tel qu’on en a l’expĂ©rience, et il y a le monde noumĂ©nal, le monde extĂ©rieur tel qu’il est en rĂ©alitĂ©, et que l’on ne peut jamais pleinement connaĂźtre.

    Le projet de Chomsky, sous certains rapports fait penser Ă  celui de Kant. Il Ă©tudie de quelle façon on obtient notre connaissance du monde #social et du monde #politique. Le monde Ă©tant trĂšs vaste, il n’est pas possible d’ĂȘtre tĂ©moin direct de la plupart des Ă©vĂ©nements qui s’y dĂ©roulent, et Ă  la place on doit les dĂ©couvrir par des intermĂ©diaires, sous une forme condensĂ©e. C’est parce qu’ils sont des intermĂ©diaires qu’on les appelle des #mĂ©dias. Mais avant de diffuser des informations, ils doivent dĂ©cider de ce qui mĂ©rite d’ĂȘtre diffusĂ©, et de quelle façon. Dans les rĂ©gimes autoritaires ce processus est soumis Ă  une #censure qui est souvent flagrante et parfois brutale.

    • La stupiditĂ© se prĂ©sente sous plusieurs formes. Je voudrais dire quelques mots d’une forme particuliĂšre que je crois ĂȘtre la plus inquiĂ©tante de toutes. On peut l’appeler la « stupiditĂ© institutionnelle ». C’est une sorte de stupiditĂ© entiĂšrement rationnelle dans le cadre oĂč elle s’exerce, mais le cadre lui-mĂȘme s’étend du grotesque au virtuellement dĂ©ment.

      Au lieu d’essayer de l’expliquer, il est probablement plus utile d’évoquer deux ou trois exemples pour illustrer ce que je veux dire. Il y a trente ans, au dĂ©but des annĂ©es 80 – les premiĂšres annĂ©es de Reagan – j’ai Ă©crit un article intitulĂ© « la rationalitĂ© du suicide collectif ». C’était au sujet de la stratĂ©gie nuclĂ©aire, et de comment des gens parfaitement intelligents Ă©taient en train de dĂ©finir un projet de #suicide collectif d’une façon qui Ă©tait raisonnable dans leur cadre d’analyse gĂ©ostratĂ©gique.

      J’ignorais Ă  l’époque Ă  quel point la situation Ă©tait mauvaise. Nous avons depuis beaucoup appris. Par exemple, un numĂ©ro rĂ©cent du Bulletin of Atomic Scientists prĂ©sente une Ă©tude des fausses alarmes lancĂ©es par les systĂšmes de dĂ©tection automatique que les États-Unis et d’autres utilisaient pour dĂ©tecter les attaques de missiles et d’autres menaces pouvant ĂȘtre perçues comme une attaque nuclĂ©aire. L’étude porte sur les annĂ©es 1977 Ă  1983 et on estime que durant cette pĂ©riode il y eut un minimum d’environ 50 fausses alarmes, et au plus d’environ 255. Il s’agit d’alarmes auxquelles une intervention humaine a mis fin, prĂ©venant le dĂ©sastre Ă  quelques minutes de l’irrĂ©parable.

      Il est plausible de supposer que rien de fondamental n’a changĂ© depuis. Mais en rĂ©alitĂ©, la situation a empirĂ© – ce que je n’avais pas non plus compris Ă  l’époque de la rĂ©daction du livre.

      En 1983, Ă  peu prĂšs au moment oĂč je l’écrivais, il y avait une trĂšs grande peur de la guerre. C’était dĂ» en partie Ă  ce que l’éminent diplomate George Kennan appelait Ă  l’époque « les caractĂ©ristiques indubitables de la marche vers la guerre – et rien d’autre ». Elle a Ă©tĂ© initiĂ©e par des programmes que l’administration Reagan a entrepris dĂšs l’entrĂ©e en fonctions de Reagan. Tester les dĂ©fenses russes les intĂ©ressait, ils ont donc simulĂ© des attaques aĂ©riennes et navales sur la Russie.

      C’était une pĂ©riode de grande tension. Des missiles Pershing amĂ©ricains avaient Ă©tĂ© installĂ©s en Europe occidentale, ce qui leur donnait un temps de vol jusqu’à Moscou de cinq Ă  dix minutes. Reagan a aussi annoncĂ© son programme de « guerre des Ă©toiles », compris par les stratĂšges des deux camps comme une arme de premiĂšre frappe. En 1983, l’OpĂ©ration Able Archer a inclus un entraĂźnement qui « a amenĂ© les forces de L’OTAN Ă  une simulation grandeur nature de lancement d’armes nuclĂ©aires ». Le KGB, nous l’avons appris d’archives rĂ©cemment publiĂ©es, a conclu que les forces amĂ©ricaines avaient Ă©tĂ© placĂ©es en Ă©tat d’alerte, et auraient mĂȘme commencĂ© le compte Ă  rebours.

      Le monde n’a pas tout Ă  fait atteint le bord de l’abĂźme nuclĂ©aire ; mais en 1983, sans en ĂȘtre conscient, il en a Ă©tĂ© terriblement prĂšs – certainement plus prĂšs qu’à tout autre moment depuis la Crise cubaine des Missiles de 1962. Les dirigeants russes ont cru que les États-Unis prĂ©paraient une premiĂšre attaque, et qu’ils auraient bien pu avoir lancĂ© une frappe prĂ©ventive. Je cite en fait une analyse rĂ©cente faite Ă  un haut niveau des services secrets amĂ©ricains, qui conclut que la peur bleue de la #guerre a Ă©tĂ© rĂ©elle. L’analyse indique qu’au fond d’eux-mĂȘmes, les russes gardaient l’ineffaçable mĂ©moire de l’OpĂ©ration Barberousse, le nom de code allemand pour l’attaque de 1941 d’Hitler sur l’Union soviĂ©tique, qui a Ă©tĂ© le pire dĂ©sastre militaire de l’histoire russe et a Ă©tĂ© bien prĂšs de dĂ©truire le pays. L’analyse amĂ©ricaine dit que c’était exactement ce que la situation Ă©voquait pour les russes.

      C’est dĂ©jĂ  assez grave, mais il y a encore pire. Il y a un an, nous avons appris que en plein milieu de ces Ă©vĂ©nements menaçant le monde, le systĂšme de premiĂšre alerte de la Russie – semblable Ă  celui de l’Ouest, mais beaucoup plus inefficace – avait dĂ©tectĂ© l’entrĂ©e d’un missile lancĂ© des États-Unis et avait lancĂ© l’alerte de plus haut niveau. Le protocole pour les militaires soviĂ©tiques consistait Ă  riposter par une frappe nuclĂ©aire. Mais l’ordre doit passer par un ĂȘtre humain. L’officier de service, Stanislav Petrov, dĂ©cida de dĂ©sobĂ©ir aux ordres et de ne pas transmettre l’avertissement Ă  ses supĂ©rieurs. Il a reçu une rĂ©primande officielle. Mais grĂące Ă  son manquement au devoir, nous sommes maintenant en vie pour en parler.

      Nous avons connaissance d’un nombre Ă©norme de fausses alertes du cĂŽtĂ© des États-Unis. Les systĂšmes soviĂ©tiques Ă©taient encore bien pires. Mais maintenant les systĂšmes nuclĂ©aires ont Ă©tĂ© modernisĂ©s.

      Le Bulletin des Scientifiques atomistes possĂšde une cĂ©lĂšbre Horloge de la fin du monde et ils l’ont rĂ©cemment avancĂ©e de deux minutes. Ils expliquent que l’horloge « affiche maintenant trois minutes avant minuit parce que les dirigeants internationaux ne remplissent pas le plus important de leurs devoirs, assurer et prĂ©server la santĂ© et la vitalitĂ© de la civilisation humaine. »

      Individuellement, ces dirigeants internationaux ne sont certainement pas stupides. Cependant, dans leur fonction institutionnelle, leur stupiditĂ© a des implications mortelles. Si l’on regarde rĂ©trospectivement depuis la premiĂšre – et unique jusqu’ici – attaque atomique, cela semble un miracle que nous en ayons rĂ©chappĂ©.

      La destruction #nucléaire est une des deux menaces majeures et trÚs réelles de notre survie. La deuxiÚme, bien sûr, est la catastrophe #environnementale.

      Il existe au sein de PricewaterhouseCoopers une Ă©quipe reconnue de services professionnels qui vient tout juste de publier son Ă©tude annuelle sur les prioritĂ©s des PDG. Au sommet de la liste se trouve la sur-rĂ©glementation. Le rapport indique que le #changement_climatique n’apparaĂźt pas dans les dix-neuf premiĂšres. Encore une fois, sans aucun doute, les chefs d’entreprise ne sont pas des individus stupides. On peut supposer qu’ils gĂšrent leurs entreprises intelligemment. Mais la #stupiditĂ©_institutionnelle est colossale, littĂ©ralement c’est une menace pour la survie des espĂšces.

      On peut remĂ©dier Ă  la stupiditĂ© individuelle, mais la stupiditĂ© institutionnelle est beaucoup plus rĂ©sistante au changement. A ce stade de la sociĂ©tĂ© humaine, elle met rĂ©ellement en danger notre survie. C’est pourquoi je pense que la stupiditĂ© institutionnelle doit ĂȘtre une prĂ©occupation de premiĂšre importance.

      #climat #psychologie_sociale #pouvoir

    • plus les relations interindividuelles sont rigides, plus le comportement de la totalitĂ© apparaĂźtra, Ă  ses Ă©lĂ©ments individuels, comme dotĂ© d’une dynamique propre, qui Ă©chappe Ă  leur contrĂŽle. [...]

      On fait, donc, face Ă  une situation paradoxale. Lorsque les individus sont sous une influence mutuelle, l’avenir du systĂšme est prĂ©visible pour les observateurs extĂ©rieurs, alors que les individus se sentent impuissants Ă  en inflĂ©chir l’orientation. Le comportement d’ensemble ne rĂ©sulte que de l’intĂ©gration des rĂ©actions individuelles, mais le tout semble s’autonomiser et son Ă©volution se figer en destin.

      â–șhttp://seenthis.net/messages/255287