• Classes moyennes, la fausse majorité d’une société de contrôle.

    « Une nouvelle mystification monte : les classes moyennes n’auront qu’une ombre de pouvoir, que des miettes de richesse, mais c’est autour d’elles que s’organise le scénario. Leurs valeurs, leur culture l’emportent ou semblent l’emporter parce que supérieures à celles de la classe ouvrière » La vie quotidienne dans le monde moderne, Henri Lefebvre, 1968.

    Viens d’entendre un responsable politique à la radio déclarer que la suppression de la prime pour l’emploi (PPE) au profit de la création de la prime d’activité va léser plus d’un million de membres de la classe moyenne.

    Or cette "classe moyenne" là, elle est pauvre, non pas au sens statistique ou misérabiliste, mais concrètement, en tout cas pour ceux qui vivent dans des villes capitales, métropoles, etc, aux loyers chers( au dessus du SMIC mensuel, il est rare qu’un isolé puisse obtenir un bout d’APL).
    En effet, pour avoir droit à la PPE en 2015 le revenu fiscal de référence du foyer en 2014 ne devait pas dépasser 16 251 € pour les célibataires, soit 1350€/mois, tandis qu’en 2012 le revenu médian était de 19 740 euros annuels, soit 1645€/mois. Mieux encore le PIB (y a pas mieux que cet indicateur fordien...) par tête est ici de 35 000€/an, soit 2900 euros mensuels par habitant.

    C’est dans un tel contexte (je reviens pas sur l’explosion des inégalités, ou sur l’individualisation des salaires et des revenus opérée sous gvts PS durant les années 80 et 90...), que tout est fait pour que qui dispose d’un SMIC mensuel (plus ou moins amélioré) jalouse qui ne se loue pas à un patron tout en "bénéficiant" de 450€/mois (RSA) et d’éventuels droits aussi "connexes" qu’indispensables (APL, CMU, transports).

    La haine de classe aura été remplacée par une haine de proximité, dirigé vers le plus proche. Nul besoin de complot pour cela (même si experts, journalistes, politiques font leur job pour imposer des représentations falsifiées), comme a pu en témoigner la fin des mouvements de #chômeurs et #précaires des années 90.
    Après la forte mobilisation de l’hiver 1997/98 qui fut suivie d’une fin de non recevoir du gvt Jospin (et de multiples évacuations policières de lieux occupés) on a vu des batailles de légitimité politique internes aux mouvements en question qui reposaient peu ou prou, désorientation aidant, sur l’évaluation des revenus des uns et des autres, nombre de ceux dépendants des minima n’hésitant pas à disqualifier jusqu’aux chômeurs indemnisés par les Assedic (considérés comme trop bien servis pour être honnêtes, ou ignorants des "vraies réalités de la précarité")...

    L’activité commune permettait, non sans heurts et débats virulents, un processus de #composition_politique parmi des forces sociales redoutablement hétérogènes. La défaite a décomposé tout cela. Et sauf à quelques moments depuis (lutte des recalculés de l’Unedic, contre les "réformes" des retraites, de l’intermittence), aucune force collective n’a pu faire barrage à ce prolongement de l’atomisation capitaliste (chacun entrepreneur de soi et la #concurrence pour tous).

    Un énoncé tel que "nous sommes les 99%", aussi faux que "les classes moyennes sont partout", car oui, avec la généralisation du salariat (avec ou sans fiche de paie), la lutte de classe passe à l’intérieur du salariat, a au moins le mérite de dire que les minorités politiques sont la majorité.

    #décomposition_politique #reflux #repli