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« … en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur » (André Breton)

  • Allocution de Nathalie Arthaud sur la situation internationale [fête de Lutte Ouvrière]
    http://www.lutte-ouvriere.org/notre-actualite/le-texte-du-dernier-meeting/article/allocution-de-nathalie-arthaud-sur-38817
    Extrait :

    La lutte contre le terrorisme n’a cependant pas complètement remplacé la lutte entre les deux blocs qui a marqué les relations internationales durant plusieurs décennies. La dislocation de l’ancien bloc soviétique, la disparition des anciennes Démocraties populaires n’ont pas abouti même en Europe à une ère de paix.
    L’ancien bloc soviétique a seulement ouvert un champ supplémentaire aux manœuvres des grandes puissances impérialistes, parfois en accord entre elles, parfois en rivalité.
    Une illustration sanglante en est donnée par la guerre qui se déroule en Ukraine. Car, derrière l’affrontement entre la Russie et l’Ukraine par bandes de nervis interposées, il y a les manœuvres politiques des puissances impérialistes occidentales.
    Les puissances impérialistes, dont les trusts ont mis la main sur l’ancien glacis soviétique, de la Bulgarie à la Pologne et jusqu’aux anciennes républiques soviétiques baltes, ont profité de l’éclatement de l’URSS pour intégrer tous ces pays dans leur système d’alliances militaires.
    Elles essaient de pousser leur avantage en s’efforçant d’intégrer l’Ukraine dans leur sphère d’influence. Elles se heurtent à la réaction des dirigeants de la bureaucratie russe. Les bandes armées nationalistes qui se battent sur le sol ukrainien sont des pions dans cet affrontement dont le prix est payé par la ruine de l’Ukraine, la misère croissante de sa population ouvrière.
    Les deux camps qui s’affrontent en Ukraine sont, tous les deux, des ennemis des classes exploitées. Ils sont en train de le montrer de façon sanglante.
    Mais le drame est que le prolétariat d’Ukraine n’a pas la force d’opposer sa propre politique aussi bien aux oligarques locaux qu’à la bureaucratie russe et aux puissances impérialistes.
    La région orientale de l’Ukraine, là où se déroulent les affrontements armés, est pourtant une région industrielle. La classe ouvrière y est puissante en nombre. Elle a été la principale victime du dépeçage de l’industrie étatisée entre intérêts privés et de la compétition entre oligarques. Elle est aujourd’hui la principale victime de la guerre civile. Et, quels que soient les vainqueurs du conflit, l’avenir réservé aux travailleurs par les couches dominantes est l’aggravation du chômage et l’accroissement de la pauvreté.
    Les oligarques liés à la bureaucratie du Kremlin ont sombré dans la corruption. Mais de l’autre côté ce sont les mêmes et il n’y a certainement pas plus d’espoir à chercher du côté d’un rapprochement avec l’Occident impérialiste tel que le prône l’équipe actuelle au pouvoir à Kiev.
    L’Union européenne n’offre au peuple d’Ukraine que des discours lénifiants. Car il n’est même pas question de permettre à l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne. Et quand bien même cela serait, l’Ukraine resterait un pays dominé, jouet des trusts et des grandes banques des puissances impérialistes de la partie occidentale de l’Europe.
    À quelques centaines de kilomètres de l’Ukraine, la Grèce offre la démonstration que l’intégration européenne ne constitue en rien une association de peuples égaux. L’appartenance à l’Union européenne ne met pas fin aux relations de dépendance entre la partie orientale pauvre de l’Europe et les pays impérialistes de la partie occidentale.
    Le gouvernement Tsipras, arrivé au pouvoir il y a quelques mois par la volonté de l’électorat populaire qui en avait assez de la politique d’austérité, est littéralement étranglé par les institutions de la bourgeoisie impérialiste.
    Le programme de Syriza n’était pourtant pas révolutionnaire. Il promettait d’améliorer un peu les conditions d’existence des catégories les plus pauvres de la population : relever le salaire minimum, empêcher un certain nombre de licenciements découlant soit de la politique d’austérité elle-même, soit des privatisations.
    Il avait surtout l’ambition de s’opposer à ce que la Grèce soit considérée comme une semi-colonie par les banques occidentales qui l’ont ligotée avec la dette, et par leurs représentants politiques.
    Mais même cette ambition modeste est inacceptable par les puissances impérialistes qui dominent l’Europe. Car il n’est pas question pour les institutions internationales de la bourgeoisie, du FMI à la Banque centrale européenne, d’accepter de ne pas être payées par les classes exploitées qui pourtant n’y sont pour rien.
    Avant d’arriver au pouvoir, Syriza ambitionnait de desserrer, sinon de rompre, les liens de dépendance. Mais ce n’est pas seulement une question de mots ou de programme de gouvernement. C’est une question de rapport de force. Seules, les classes exploitées pourraient créer la force susceptible de s’opposer à la bourgeoisie. Or mobiliser les classes exploitées, leur donner la conscience que rompre les chaînes de l’endettement nécessite une guerre à mort contre la bourgeoisie tant grecque qu’internationale, ne fait pas partie de la politique ni même de l’identité de Syriza.
    Que la grande bourgeoisie se méfie cependant ! Les exploités grecs sont en train d’expérimenter, dans la souffrance et demain, peut-être, dans la déception, les limites de la voie électorale. Ce qui se passe en Grèce montre que même l’élection d’une équipe gouvernementale bien disposée à l’égard des travailleurs ne peut rien faire pour eux dans le cadre du système. Eh bien c’est ainsi que les classes privilégiées finiront par convaincre les exploités qu’il n’y a pas d’autre voie pour eux que de briser le système.