• « Les Algériens des années 50 ont été traités comme les ouvriers de 1891 » | Contretemps
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    Entretien avec Emmanuel Blanchard, historien, auteur de La police parisienne et les Algériens (1944-1962), éditions Nouveau Monde, 2011.

    Tu as choisi de travailler sur le 17 octobre 1961 dans une optique de longue durée. Pourquoi ?

    Quand j’ai commencé ma thèse, les travaux sur le 17 octobre 1961 étaient déjà nombreux avec entre autres ceux de Jean-Luc Einaudi, Sylvie Thénault, Jim House et Neil MacMaster[1]... J’avais l’impression que beaucoup de choses étaient connues du point de vue factuel. En même temps, il y avait des conflits d’interprétation, pas toujours clairement exprimés, entre une vision du 17 octobre comme une dérive d’un régime démocratique, ou comme un fait de guerre de policiers victimes depuis plusieurs mois d’attentats du FLN. Pour sortir de ce cadre analytique, notamment lié à la controverse sur le nombre des victimes, j’ai voulu désenclaver l’événement 17 octobre, le sortir de la séquence de la fin de la guerre d’indépendance algérienne. En effet, la spécificité de la prise en charge des Algériens par la police ne commence pas avec la guerre. Ce qui le montre très clairement c’est qu’il y a une violence policière létale adressée aux Algériens avant le 1er novembre 1954. Le 14 juillet 1953, six manifestants algériens sont abattus au cours de la dispersion d’une manifestation, place de la Nation, alors qu’en région parisienne, les armes à feu n’avaient plus été utilisées contre des manifestants depuis 1937.

    J’ai donc choisi de me placer dans la moyenne durée pour voir si le 17 octobre relevait de l’exception ou d’une radicalisation de répertoires policiers préexistants. Je me suis ainsi affronté à la question de la situation coloniale : une partie des commentateurs contemporains du 17 octobre parlent d’ailleurs de massacre colonial, notamment la Fédération de France du FLN, dans une plaquette publiée à la fin de l’année 1961. Analyser Paris comme une capitale impériale est en effet fécond, à condition de tenir compte de ce que la domination coloniale passait par des dispositifs qui n’étaient pas exactement les mêmes dans les différentes régions de l’empire français.

    #histoire #police #colonialisme #immigration