« La "#croissance verte" est une mystification absolue »
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Cette expression est avant tout un pied-de-nez Ă la « high tech », au mirage des technologies salvatrices. Dans ce livre, je pose les questions fondamentales suivantes : pourquoi produit-on ? Que produit-on ? Et comment produit-on ? Mon propos est de dire que lâon pourrait dâores et dĂ©jĂ produire moins sans que notre qualitĂ© de vie en pĂątisse, bien au contraire. Par exemple, on pourrait supprimer le million de tonnes de prospectus publicitaires qui sont distribuĂ©s chaque annĂ©e. On pourrait Ă©tendre le rechapage des pneus Ă tous les vĂ©hicules, comme cela se fait dĂ©jĂ pour les avions et les camions. On pourrait rĂ©tablir la consigne pour les emballages et favoriser la vente en vrac. On pourrait progressivement limiter la vitesse maximale, brider les moteurs, interdire les voitures trop puissantes. La voiture « propre » nâexiste pas, mais en attendant de tous enfourcher un vĂ©lo, la voiture Ă 1 litre au 100 km est Ă portĂ©e de main. Simplement, elle fait 500 kg et ne dĂ©passe pas les 80 km/h, ce qui suffirait pour une large part des besoins de dĂ©placement.
En mĂȘme temps, il faut pousser lâĂ©co-conception au maximum. Il faut que les produits que lâon utilise tous les jours soient plus facilement rĂ©parables, rĂ©utilisables, modulaires, Ă plus longue durĂ©e de vie, constituĂ©s dâun seul matĂ©riau plutĂŽt que de matĂ©riaux composites, etc. Il faut accepter dâavoir des produits un peu moins performants, lĂ©gers, esthĂ©tiques.
Enfin, la façon dont on produit ces biens est Ă©galement cruciale. Aujourdâhui, lâorganisation industrielle mondiale est telle que quelques usines fabriquent des quantitĂ©s phĂ©nomĂ©nales de produits. La part du travail humain se rĂ©duit toujours plus, au profit de la mĂ©canisation, des robots et bientĂŽt des drones. Au contraire, il faut relocaliser une partie de cette production, retrouver lâĂ©chelle du territoire, des petites entreprises, des ateliers, de lâartisanat, dâun tissu industriel et commercial Ă lâĂ©chelle de lâHomme.
Se pose alors inĂ©vitablement la question â Ă©pineuse mais inĂ©vitable â du protectionnisme et de lâĂ©chelle des territoires Ă protĂ©ger. Soyons lĂ aussi rĂ©alistes : comment une industrie chimique locale, nationale ou mĂȘme europĂ©enne, aux normes environnementales Ă©levĂ©es et intĂ©grant pleinement un coĂ»t du carbone, pourrait-elle rĂ©sister Ă lâindustrie des gaz de schiste amĂ©ricains, ou au gaz « gratuit » du Qatar ? Comment des Ă©levages de taille moyenne pourraient-ils concurrencer la production brĂ©silienne et les poulets trempĂ©s dans le chlore ? La logique du « consommâacteur » ne suffira pas, il faut se donner les moyens rĂ©glementaires et normatifs de faire Ă©merger et prospĂ©rer des solutions plus vertueuses.