Notre collège de secteur est une énorme usine où les petits pedzouilles de 6e sont comme des chatons jetés dans une arène de pitbulls. Faut dire qu’ils ont concentré LEP, Lycée, collège, je crois que ça fait pas moins de 1500 gosses de 10 à 20 et quelques années. Ils affichent des 100% de réussite au bac, mais je les soupçonne surtout de trier en amont comme des malades avec des tas de voies de garage pour avoir un joli classement en S à la fin.
Le côté usine produit des tas d’effets secondaires pas très désirables (mais pour l’EN, ce sont les économies d’échelle qui comptent) et cela se voit par l’attitude générale (de déplaisante à assez lamentable) des gosses dans les activités extrascolaires.
Il y a le collège du secteur à côté. Très rural, dans un coin où les inégalités sont très fortes, entre les propriétaires viticoles bien nantis et leurs nombreux ouvriers viticoles, précaires et compagnie où tu vois vois bien que la fin du mois commence plus ou moins le 30 du mois précédent. 200 gamins, maintenus dans une structure à taille humaine parce qu’ils ont créé une spécialité artistique. Je trouve ça bien qu’on propose 12 expos d’art contemporain sur 4 ans à des gosses qui sont généralement passés en pertes et profit dès leur naissance. Il y a une équipe pédagogique plutôt soudée et investie, et une tradition d’établissement pilote avec tout plein de bouts de Freinet dedans.
Le collège n’a pas de très bons résultats, mais dès les journées de rencontre, j’ai bien senti que leur plan, ce n’est pas de trier, sélectionner et faire du chiffre, mais bien de ne laisser personne au bord du chemin.
Donc, c’est là que j’ai envoyé ma fille.
De toute manière, on sait que les gros facteurs de réussite viennent de la maison : niveau d’éducation de la mère, pratique de la lecture, activités culturelles familiales, contrôle stricte des écrans, etc.
Ensuite, si tu cherches le collège du top pour que le gosse soit au top, fondamentalement, tu as déjà choisi la compétition à fond, l’idée que pour réussir, faut se distinguer, éliminer les faibles, pousser les chances au maximum et que tu as déjà une bonne idée de ce que la réussite signifie pour toi.
Je préfère un collège où l’on bosse la démocratie, l’expression directe, la coopération, où les profs dépensent beaucoup d’énergie à faire participer les parents, pour qu’ils ne subissent plus l’école et ne transmettent pas leur sentiment d’échec.
Le collège ne fait pas tout. L’état d’esprit fait beaucoup.
Je pense que la gosse sera mieux armée pour la suite en passant par là plutôt qu’en allant dans l’usine à performance.
J’ai peut-être tort, mais je lui fait confiance à elle, je sais qu’elle a de la ressource et que nous sommes toujours là en soutien, donc, tout va bien se passer. Et elle a déjà un foutu esprit critique qui lui permet déjà de bien trier.
Elle n’est pas sujet de son éducation, elle en est l’actrice, le moteur.