• L’extension du domaine de la terreur - Karim Émile BITAR - L’Orient-Le Jour
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    Hier comme aujourd’hui, le #terrorisme est d’abord une tactique, une violence à but #politique. Ses têtes pensantes sont toujours engagées dans un combat de nature #profane, quand bien même ils useraient et abuseraient d’arguments idéologiques, théologiques ou eschatologiques pour enrégimenter plus aisément les enfants perdus de leur époque. Pas un seul exemplaire du Coran n’a été retrouvé chez Haji Bakr, ancien colonel de l’armée baassiste de Saddam Hussein ayant conçu la stratégie et l’organigramme de Daech.

    L’échec de la guerre contre le terrorisme est d’abord la conséquence de l’#inanité de l’appellation elle-même (comment faire la guerre à une tactique, à un concept, à un nom commun ? ). Il est ensuite la conséquence de l’obsession théologocentriste, qui considère que cette violence trouverait directement sa source dans les textes religieux plutôt que dans un contexte #géopolitique propice à toutes les manipulations intellectuelles. Elle est enfin la conséquence de la focalisation exclusive sur les enjeux sécuritaires au détriment des causes structurelles profondes de la #violence politique. Celles-ci sont plurielles. Il est grand temps que l’#industrie florissante des #experts en terrorisme en revienne à un minimum de modestie épistémologique. Il n’est pas d’explication monocausale permettant de comprendre l’irrésistible attrait qu’exerce Daech sur la jeunesse d’un monde désenchanté. Une approche pluridisciplinaire sera nécessaire : elle devra faire appel à l’économie, aux sciences sociales, à la psychologie, aux sciences religieuses, mais elle devra d’abord et surtout tirer les conséquences des tragiques erreurs géopolitiques commises depuis la guerre d’Afghanistan des années 1980 jusqu’à la tragédie syrienne, en passant par la dislocation de l’Irak et de la Libye.

    Depuis les zélotes de l’Antiquité, la menace terroriste n’a jamais vraiment disparu. Le nombre d’extrémistes religieux, de « psychopathes » et de dangereux idéologues politiques prêts à les manipuler, reste relativement constant à travers les siècles. Mais ces derniers ne peuvent prospérer et prendre le pouvoir que grâce au vide sécuritaire provoqué par l’effondrement des États centraux et en raison de l’incapacité de la très fantomatique « #communauté_internationale » à résorber les trous noirs et à construire une gouvernance collective un tant soit peu maîtrisée.