• À propos du cinéma palestinien : l’État d’Israël contre Suha Arraf
    Par Isis Nusair | Source : Jadaliyya, traduction : SF pour l’Agence Media Palestine | 15 juillet 2015
    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2015/07/15/a-propos-du-cinema-palestinien-letat-disrael-contre-suha-arraf

    Suha Arraf est une cinéaste palestinienne de Mi’ilya en Galilée, en Israël. Elle a aussi une formation de journaliste. Cet interview d’Arraf a été fait à la suite de la projection récente de son premier long métrage, Villa Touma, au Festival International de cinéma de Cleveland aux États Unis.

    (...)
    IN : Comment le film a-t-il été reçu ?

    SA : Les histoires autour du film ont commencé alors qu’il allait être projeté au Festival de Venise 2014, après la guerre d’Israël à Gaza. Israël avait une mauvaise image à l’étranger et les media israéliens ont tout laissé tomber pour se focaliser sur moi. Il sont venus me dire : « Puisque soixante dix pour cent du financement du film sont israéliens, le film est à nous, pas à toi ». Généralement les films appartiennent au réalisateur et au producteur et j’ai ces deux positions, dans le cas présent. Nous, (les Palestiniens en Israël) représentons plus de 20% de la population d’Israël. Nous contribuons à plus de quinze pour cent du budget national de la culture mais n’en bénéficions que de un pour cent. Ils voulaient que je déclare le film « israélien » et non « palestinien » et que le film représente Israël dans des festivals à l’étranger.

    En allant me coucher un soir j’étais une cinéaste ; le lendemain matin au réveil j’étais accusée de crime et de fraude. Au début, j’ai gardé le silence, puis j’ai écrit un article dans le journal Haaretz intitulé « Je suis arabe, palestinienne et citoyenne d’Israël – j’ai le droit de définir ma propre identité ».

    On m’a accusée de voler l’argent de l’État d’Israël et j’ai une menace de saisie qui court du fait d’une décision de justice contre moi. Adalah, le centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, s’occupe de mon cas. Les autorités israéliennes n’ont pas de base légale et nous avons l’intention d’aller en justice. C’est dans le psychisme de l’occupant de prétendre « tout est à nous ». Ils ont modifié des contrats en cours si bien que maintenant tout film recevant un financement israélien doit s’appeler « israélien ». Cela veut dire que je ne pourrai pas m’adresser à des organisations financières israéliennes pour soutenir mon travail à l’avenir. Il est peut-être temps que nous créions un fonds palestinien pour le cinéma. C’est une guerre sur la culture, étant donné que le cinéma a un très large public.

    Le film a du succès. Il a participé à plus de quarante festivals internationaux de cinéma et la liste est longue des projections à venir. Je suis la distributrice du film et l’accueil a été formidable de la part du public palestinien et étranger.