• Vous adresser à une victime d’agression
    http://lechodessorcieres.net/parler-aux-opprimes-101-vous-adresser-a-une-victime-dagression-2

    J’ai écrit cet article il y a quelques temps. Mais il est toujours d’actualité. Chaque fois que je parle de mon viol, à un moment, quelqu’un commet un impair qui me donne envie de le gifler. C’est une souffrance continue que d’en parler à des proches qui ne savent pas quoi dire. Je pourrais me taire, ne pas en parler, l’information n’est pas capitale me direz-vous. Mais je me suis tue pendant cinq ans, et je refuse de continuer.

    Quand une personne parle de son agression c’est un grand pas dans sa reconstruction. Qu’il s’agisse d’un viol, de violences conjugales, d’une agression physique dans la rue, d’une agression sexuelle dans le métro ou même d’une tentative d’agression, cela ne change rien, le trauma est là et si la personne en parle c’est qu’elle a besoin de soutien et d’empathie. Ainsi il est donc ahurissant d’observer que systématiquement, les gens tombent dans les mêmes écueils pourris et utilisent les mêmes mécaniques qui enfoncent la victime.

    C’est pas facile à gérer me dit-on, on sait pas trop quoi dire, on sait pas réagir. Mais l’ignorance n’est pas une excuse suffisante pour compenser le mal causé. Alors j’ai écrit ce petit guide, pour faire de ce monde un monde moins oppressif envers les victimes de violences, quelles qu’elles soient. Vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas.

    #victimes #victime

    • #violence #agression #viol #empathie

      Ya un point, j’ai l’impression, qui n’est pas vraiment abordé dans cet article, possiblement parce que l’auteure fait partie de celles (et tant mieux !) qui reconnaissent l’agression comme une agression, c’est comment s’adresser à celleux qui ne reconnaissent pas l’agression comme une agression (notamment sexuelle) et/ou qui s’auto-flagelle en disant que c’est elleux qui ont dû commettre une faute, pas bien faire, pas avoir dit non clairement, en cherchant elleux-mêmes des excuses à l’agresseur, etc.

      Tu peux pas juste aller dans leur sens quand tu entends ça, non ? T’es bien obligé⋅e de chercher à faire comprendre que non non ton ami⋅e n’a rien à se reprocher, et surtout que oui oui ce qui a été vécu est bien une agression sexuelle et qu’il ne faut pas la minimiser.

    • @rastapopoulos là tu parle de #déni et c’est un peu évoqué dans la partie sur le #victim_blaming

      – Le victim blaming : bon ça paraît évident, mais blâmer la victime n’est pas une option dans la case « bien faire ». Mais si il est capital de le préciser c’est probablement parce que tout le monde ne semble pas réaliser l’étendue du victim blaming. Typiquement demander à une victime pourquoi elle est amoureuse de l’agresseur, c’est du victim blaming. Demander à la victime comment elle était habillée, c’est du victim blaming. Demander à la victime si elle était ivre : devinez, c’est du victim blaming ! En fait, tout ce que vous pourriez considérer comme un « élément de curiosité pour mieux comprendre le contexte » est potentiellement du victim blaming, car cela pousse la victime à se remettre en question/se culpabiliser, d’autant que vous ne serez pas le/la premièr-e à poser la question.

      La culture du viol repose sur ce déni des agressions. La victime n’est jamais parfaite et elle a forcement du provoqué et chercher ce qui lui arrive. Par exemple si c’est une fillette de 12 ans et demi on dira qu’elle est une « nymphette » http://seenthis.net/messages/399841

      Je te met ce que la Docteur Muriel Salmona explique la dessus, ca te servira peut être.

      1) Ce sont les victimes de violences sexuelles qui vont subir les plus grandes injustices
      Non seulement les violences sexuelles sont très rarement identifiées, les agresseurs encore moins dénoncés, les conséquences sur la santé quasiment jamais dépistées ni traitées, mais le plus souvent les victimes vont être abandonnées, rejetées, exclues, condamnées du fait de leurs symptômes, sommées de s’expliquer et de se justifier par rapport aux troubles du comportement et des conduites qu’elles développent fréquemment, ce sont elles que la société va culpabiliser. C’est à elles que les proches et les intervenants vont faire sans cesse la morale, ce sont elles qui vont être méprisées. Les victimes de violences sexuelles restent fréquemment sans secours, mais de plus leur agression est ignorée voire niée, et leur agresseur n’est absolument pas inquiété. Leurs blessures, leurs symptômes au lieu d’être soignés et pris en compte, leur sont continuellement reprochés, comme si elles en étaient seules la cause par « leur inconséquence, leurs caprices, leur paresse, leur mauvaise volonté, leur égoïsme, leur ingratitude, leurs provocations, leurs faiblesses de caractère », quand ce n’est pas « leur méchanceté, leur agressivité, leurs vices ou leur folie » qui leur sont reprochés. Et il arrive souvent que la famille, les proches, les enseignants, les professionnels du social et de la santé se plaignent « de n’avoir vraiment pas de chance d’être obligés de s’occuper et de supporter des personnes aussi problématiques », sans qu’aucun ne s’interroge sur ce qui a pu bien se passer et leur arriver, ni sur le fait qu’une aussi grande souffrance doive avoir forcément une cause. Étrangement tout le monde a tendance à accepter très facilement que, tous ces symptômes graves (douleur morale, tentatives de suicides, auto-mutilations, fugues, conduites à risques, particulièrement sexuelles, addictions, dont alcoolisme et toxicomanie, dépression, phobies, crises d’angoisse, insomnies, troubles des conduites alimentaires…), se soient développés comme par génération spontanée, « c’est dû à la malchance, ou bien ces enfants et ces adolescents ont dû être trop gâtés, trop couvés !! ou encore ils ont dû avoir de mauvaises fréquentations…ou enfin, ils sont nés comme cela, c’est dans les gènes…, c’est donc de la faute à personne ».

      2) Cette grande injustice se met en place avec la complicité du plus grand nombre, les violences sexuelles font le plus souvent l’objet d’une absence de reconnaissance.
      Déni et loi du silence règnent en maîtres, et s’imposent d’autant plus facilement que les victimes sont prisonnières de troubles psychotraumatiques et de stratégies de survie qui leur brouillent encore plus l’accès à leur vérité :

      avec de fréquentes amnésies traumatiques des violences (jusqu’à 38 % des victimes de violences sexuelles connues dans l’enfance n’en ont aucun souvenir 17 ans après, étude de Williams 1994, et 59 % seront amnésiques lors de périodes plus ou moins longues, étude de Briere, 1993),
      avec des souvenirs tellement saturés de troubles dissociatifs que les violences peuvent leur paraître pas si graves, ou bien irréelles, du fait d’une anesthésie émotionnelle, de sentiments d’étrangeté et de sensations d’avoir été spectatrice de la scène de violence,
      avec des conduites d’évitement qui font éviter tout ce qui peut se rapporter aux agressions (éviter d’y penser, d’en parler),
      avec des sentiments de honte et de culpabilité qui les isolent et les condamnent au silence, parce qu’elles n’ont pas compris pourquoi elles n’ont pas pu se défendre ou fuir, pourquoi elles sont restées avec l’agresseur, ont continué à lui parler, à le voir, parce que la sidération au moment de l’agression est incompréhensible, parce que l’anesthésie émotionnelle liée à la disjonction est troublante et rend confuse, et parce que certaines conduites dissociantes à risque qui poussent à reproduire sur soi les violences ou à se mettre sexuellement en danger font naître le doute (« l’agresseur a peut être raison, et si j’aimais ça…, et si je ne méritais que ça…, et si c’était mon destin… »).

      3) Non-reconnaissance des violences sexuelles et incompréhension
      Cette absence de reconnaissance des violences est due à une tradition de déni de la réalité des violences sexuelles en général, et particulièrement de celles faites aux mineurs, notamment des incestes. Il s’y ajoute une tradition de sous-estimation de leur gravité et de leur fréquence, une tradition de banalisation et de tolérance, voire de justification (idées reçues sur la sexualité masculine et féminine, stéréotypes sexistes), et également une méconnaissance généralisée de la gravité de leurs conséquences sanitaires et sociales. Les conséquences concernent la santé, psychique notamment, les capacités cognitives, les apprentissages , la socialisation, la vie sexuelle et amoureuse, elles augmentent considérablement les risques de conduite à risque, de marginalisation et de délinquance, les risques d’être à nouveau victime de violences ou d’en devenir un auteur ; ces conséquences sont en rapport avec des mécanismes psychotraumatiques largement méconnus. Il faut rappeler que les violences sont des situations anormales entraînant des conséquences psychotraumatiques normales, fréquentes, graves et durables, qui sont liées à la mise en place de mécanismes neurobiologiques de sauvegarde, se référer à MÉCANISMES
      Et devant des enfants, des adolescents en grande souffrance, suicidaires, dépressifs, insomniaques, ayant fait des fugues, en échec scolaire, ayant des troubles du comportement alimentaire, des conduites addictives (alcool, drogues, tabac, jeux, sexualité), des conduites à risque, la plupart des proches et nombre de professionnels ne se posent pas la question qui serait essentielle : « Mais qu’est-ce qu’on a bien pu leur faire de si grave pour qu’ils soient comme ça, pour qu’ils souffrent comme ça ». Au contraire, c’est plutôt : « Mais qu’est ce qu’ils ont ?, pourquoi nous font-ils ça, avec tout ce que l’ont fait pour eux ? Ils nous font honte !… » ou bien « c’est l’adolescence, ça leur passera, les filles c’est comme ça, toujours à se plaindre ! », ou « les garçons c’est comme ça, toujours à prendre des risques, à ne jamais rater une bêtise à faire… », ou bien « c’est la maladie (dépression, psychose), c’est génétique,… » ou encore « c’est à cause de l’alcool, de la drogue, des mauvaises fréquentations, de la télé, etc. »

      4) Un crime parfait !
      Les violences sexuelles sont le prototype du « crime parfait ». Dans l’immense majorité des cas les agresseurs restent impunis (en France seulement 10% des viols, 12 000 sur 120 000, font l’objet d’une plainte, 3% font l’objet d’un jugement et 1% d’une condamnation, 1200 sur 120 000). La loi du silence règne particulièrement à l’intérieur des familles, des institutions, des entreprises ; c’est à la victime de ne pas faire de vagues, de ne pas « détruire la famille, le couple…, d’être loyale, compréhensive, gentille…, et puis ce n’est pas si grave, il y a bien pire ailleurs !... » La méconnaissance des conséquences psychotraumatiques des violences et des mécanismes neuro-biologioques en jeu fait que les symptômes présentés par les victimes ne sont presque jamais reliés aux violences. Les professionnels du secteur social et de la santé posent encore beaucoup trop rarement aux personnes qu’ils prennent en charge la question sur l’existence de violences subies, particulièrement sexuelles. Le déni des agressions sexuelles chez les victimes est extrêmement fréquent et les allégations mensongères des victimes sont rares, inférieures à 3%, alors que 22% des victimes se rétractent par peur, ou sous la menace.

      5) La victime, un coupable idéal !
      En effet, le plus souvent c’est la victime qui est considérée comme coupable. Si elle n’a pas dénoncé les violences sexuelles et/ou l’agresseur elle doit sans cesse se justifier d’être pénible, difficile, tout le temps mal, se plaignant et s’isolant, d’être en échec scolaire, professionnel, amoureux, d’avoir des conduites à risques qui font qu’elle est jugée très négativement. Et si elle a dénoncé les violences sexuelles et/ou les agresseurs, elle est soupçonnée ou accusée d’exagérer, de ne pas avoir le sens de l’humour, d’être méchante, égoïste, perverse, de l’avoir bien cherché, de ne pas avoir fait ce qu’il fallait pour l’éviter : « tu aurais dû … », « pourquoi as-tu fait… ? »

      6) L’agresseur, cette victime innocente !
      L’auteur des agressions est en général considéré comme innocent, soit parce qu’il serait victime d’une machination que la victime aurait mis en place, soit parce que la victime n’avait pas compris qu’il s’agissait d’un jeu, d’humour, ou qu’il était tout simplement amoureux, ou encore soit parce que ce ne serait pas de sa faute : « il est comme ça, tu sais bien ! il a des pulsions », « la victime l’a certainement provoqué », « il avait bu, il ne s’est pas rendu compte, il n’a pas compris que la victime n’était pas consentante… ». De plus il bénéficie des symptômes psychotraumatiques présentés par la victime à la fois pour se disculper (« de toutes façons, elle est folle, elle ment…etc. ») mais aussi pour agresser en toute sécurité, les victimes étant sidérées, dans un état d’anesthésie émotionnelle, avec un sentiment d’irréalité et des troubles mnésiques.

      7) Pour en savoir plus, articles du Dr Muriel Salmona, à télécharger

      Violences sexuelles et situations paradoxales de dépendances à l’agresseur liées à la mémoire traumatique, à la dissociation et aux conduites dissociantes, février 2008
      Dissociation, mémoire traumatique et violences sexuelles : des conséquences graves sur la santé à soigner, octobre 2009
      Conséquences des troubles psychotraumatiques et de leurs mécanismes neurobiologiques sur la prise en charge médicale et judiciaire des victimes de viols, novembre 2009
      Propositions pour améliorer la prise en charge et le soin des victimes de violences sexuelles ainsi que la formation des professionnels de la santé, mai 2010

      http://www.memoiretraumatique.org/memoire-traumatique-et-violences/violences-sexuelles.html#titre74-2

      #victimologie

    • – Respecter les termes : Si on vous dit « viol », dites « viol ». Si on vous dit « agression », dîtes « agression ». Si la personne parle d’elle en terme de « victime », dîtes « victime », si elle dit « survivant-e », dites « survivant-e ». Réutiliser les termes employés c’est être sûr de ne pas blesser et de respecter le champ lexical que la/le concerné-e a choisi pour se reconstruire.

      Et aussi, il est salvateur de savoir avec #empathie poser les termes exacts et dire clairement face à un récit de non consentement « Cela s’appelle une agression » ou « Cela s’appelle un viol ». Notamment pour un enfant.