• Critique des (nouveaux) prédicateurs de la chiitophobie communautaire

      Une question de méthode : pour une lecture profane des conflits

      Le récent conflit en Syrie, sans en être le catalyseur, a certainement exacerbé cette chiitophobie séculaire, et celle-ci a, par un effet feed back, biaisé l’analyse sereine, objective et multifactorielle des tensions dans cette région. C’est ainsi que Nabil Ennasri occulte de façon outrancière les fondamentaux scientifiques qu’aucun analyste sérieux des conflits régionaux ou internationaux ne peut ignorer. En effet, le conflit syrien se résume chez lui aux méchants chiites-alaouites, « ne priant pas dans des mosquées », opposés aux bons sunnites. Selon l’auteur, il s’agit d’une « guerre au fait religieux sunnite » et Bachar El-Assad veut « réduire au maximum l’expression du fait sunnite majoritaire » en se livrant au « pilonnage des mosquées » sunnites. Et le récit anecdotique propre à la littérature mythologique est relativement invoqué. Ainsi, le déclencheur de la rébellion syrienne est réduit aux propos du « patron de la politique locale » qui aurait dit aux habitants sunnites venus chercher leurs enfants détenus et à qui « on arrache les ongles » : « Oubliez vos enfants et retournez chez vos épouses. Elles vous en donneront d’autres. Et puis, si vous n’êtes pas capables de leur faire des enfants, amenez-nous vos femmes, on s’occupera d’elles ». C’est l’étincelle qui met le feu aux poudres « d’un baril qui était prêt à exploser », nous dit l’auteur propagandiste qui fait taire la mauvaise conscience du spectateur impuissant d’un conflit dont la complexité est inextricable.

      La théorie du complot anti-chiite

      Cette théorie du complot ethnico-religieux est déconstruite par Georges Corm, l’un des plus grands spécialistes des conflits au Moyen-Orient, notamment dans son livre Pour une lecture profane des conflits, où il dit « les adeptes des théories du complot pensent que quelques individus malfaisants ou une communauté religieuse limitée en nombre peuvent à eux seuls ébranler l’ordre du monde et ses hiérarchies. Il s’agit là d’une pensée magique et aberrante, qu’il convient de dénoncer sans compromis » (p.40).