Stephane M

Antiraciste

  • La Courneuve : pourquoi expulser le bidonville rom ?

    16 août 2015 | Par Eric Fassin

    On s’apprête à expulser le Samaritain, un bidonville rom de 300 personnes installé à la Courneuve depuis sept ans. Pourtant, cette fois, des associations ont obtenu un engagement financier pour assainir le lieu et le viabiliser. Mais améliorer les choses, ce serait avouer qu’il existe une alternative à l’expulsion. Si l’État s’abrite derrière les élus locaux pour expulser, on aurait tort de prendre une telle municipalisation pour argent comptant : l’expulsion est la clé de cette politique décentralisée du ministère de l’Intérieur.

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    En apparence, l’État s’humanise ; on le voit à la Courneuve avec la Dihal (délégation interministérielle à l’hébergement et au logement) ; mais in fine, cette bonne volonté sans effet ne sert qu’à occuper les militants. De même, c’est le préfet à l’égalité des chances, Didier Leschi, qui a justifié l’expulsion des Coquetiers, à Bobigny ; elle arrachait pourtant les enfants à leur école. Cet homme réputé de gauche avait d’abord plaidé l’incompétence : avec les Roms, « on ne sait pas faire » ; « c’est une sociologie qui nous échappe ». Puis, dans une tribune parue sur Mediapart le 20 novembre 2014, il en a tiré des leçons politiques. Il n’hésitait pas à incriminer l’ancienne municipalité communiste de Bobigny, battue pour être apparue comme « les défenseurs des Roms et du mariage des homosexuels ». Pourtant, « une autre issue était possible » : « un village d’insertion ». Mais il n’en est plus question aujourd’hui : ne vient-on pas d’en expulser un, le 24 juillet, à Saint-Ouen ? Qu’en dit-il ?

    La leçon de la Courneuve, c’est que, si l’État s’abrite derrière les élus locaux pour expulser, on aurait tort de prendre une telle municipalisation pour argent comptant : le préfet reste maître du jeu. Or l’expulsion est la clé de cette politique décentralisée du ministère de l’Intérieur. Sans doute ne résout-elle rien. Mais ce n’est pas le but recherché. Il s’agit d’une part de rendre la vie invivable aux Roms, comme aux réfugiés de Calais ou de la Chapelle, pour qu’ils finissent par partir d’eux-mêmes. D’autre part, il convient de le mettre en scène, pour afficher la fermeté du gouvernement. Telle est, contre toute raison, la rationalité de cette politique estivale.

    http://blogs.mediapart.fr/blog/eric-fassin/160815/la-courneuve-pourquoi-expulser-le-bidonville-rom