enuncombatdouteux

NI ACTUALITÉS NI COMMENTAIRES, ..... DU COPIER-COLLER ET DES LIENS... Un blog de « curation de contenu » : 82 LIVRES , 171 TEXTES et 34 DOCUMENTAIRES :

  • « Des calculs de probabilité ont produit des erreurs judiciaires »

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/14/des-calculs-de-probabilite-ont-produit-des-erreurs-judiciaires_4756815_16506

    Leila Schneps, mathématicienne et auteure de romans policiers, a écrit avec sa fille Coralie Colmez Les Maths au tribunal (Seuil, 288 p., 20 €). Elles y passent en revue dix cas dans lesquels la science des nombres a joué un rôle funeste.

    Les mathématiques ont-elles vraiment produit des erreurs judiciaires  ?

    Absolument. Des erreurs de calcul de probabilité ou autres ont entraîné ces injustices. Un exemple  : aux Pays-Bas, en 2001, une infirmière est accusée de meurtres car elle a assisté à toutes les morts survenues dans son hôpital. Certes, elle avait accès aux médicaments et aux malades, et pouvait avoir voulu abréger les souffrances de ces moribonds. Mais aucun élément matériel n’était disponible. Alors, on a fait un calcul  : étant donné une infirmière qui travaille dans un hôpital de telle taille, quelle est la probabilité qu’elle assiste à tous ces décès  ? On a fait ce calcul n’importe comment et trouvé une probabilité infime  : 1 sur 273 millions.

    Et le résultat  ?

    Elle a été condamnée à la prison à vie. Malgré un appel, puis une cassation. ­Entre-temps, on s’est aperçu que pour certaines morts, elle n’était pas présente, car en congé maladie. Cela changeait tout au calcul, mais on ne l’a pas refait… Il a fallu qu’un statisticien reprenne le dossier pour qu’il soit rouvert. Le 14 avril 2010, elle a été finalement déclarée innocente.

    On peut donc condamner sur de seuls motifs mathématiques ?

    Officiellement, jamais. Là, par exemple, on a trouvé autre chose. Dans son journal intime, l’infirmière mentionnait avoir « cédé à sa tentation ». On a dit qu’il s’agissait d’aider les patients à mourir. En vérité, elle leur tirait les cartes... Il y avait des analyses biologiques, mais elles étaient fautives. Des examens psychiatriques, tous mal faits. Ce sont ces éléments que le juge a retenus. Mais ce qui a été central était bien l’analyse mathématique.

    Pourquoi un tel poids ?

    Parce que les mathématiques ont l’autorité d’une science que l’on croit absolue. Comme si un résultat était juste ou faux et un mathématicien infaillible. Par exemple, quand on analyse une empreinte trouvée sur la scène d’un crime et que l’on constate qu’elle appartient à une personne sur 1 000 dans la population générale. Si l’accusé possède la même empreinte, les gens pensent qu’il y a 999 chances sur 1 000 qu’il soit coupable. Mais ce n’est pas du tout ça ! Cela veut dire que dans une ville de 1 million d’habitants, il y a 1 000 personnes qui possèdent la même empreinte, donc 1 000 coupables possibles, et l’accusé est un de ces 1 000, donc, faute d’autres renseignements, une chance sur 1 000 d’être le coupable. Exactement l’inverse ! Ce raisonnement est si courant qu’il a été baptisé le « sophisme du procureur ».

    Les avocats ne décèlent-ils pas de telles erreurs ?

    Celle-là, de plus en plus. Mais il y en a plein d’autres. Que beaucoup d’avocats laissent passer par incompétence. Ou qu’ils relèvent, mais que le jury n’entend pas. Dans le livre, nous racontons le cas d’un couple mixte accusé de vol sur la seule foi d’un calcul de probabilité. Leur avocat comprend que quelque chose ne va pas. Mais il est tellement maladroit que ça se retourne contre lui, et ses clients sont condamnés.

    Les maths ont-elles pesé dans des procès célèbres ?

    L’affaire Dreyfus, par exemple. ​Alphonse Bertillon, le père de l’empreinte digitale, a affirmé, statistiques à l’appui, que le bordereau à l’origine de l’affaire avait bien été écrit par Dreyfus... Des années plus tard, les trois plus grands mathématiciens de l’époque, Poincaré, Darboux et Appel, ont démontré que ce calcul était basiquement faux.

    L’analyse de l’ADN, star des procès, pose-t-elle des problèmes statistiques ?

    Tout à fait. Les juges pensent que pour analyser de l’ADN, il faut faire appel à des biologistes. Or, si prélever et extraire de l’ADN relève bien de la biologie, l’analyse des résultats qui en ressortent relève de la statistique. Les biologistes utilisent bien souvent des méthodes statistiques beaucoup trop primaires et des logiciels qu’ils ne maîtrisent pas

    Ne vaudrait-il pas mieux laisser les mathématiques hors du tribunal ?
    On ne peut plus, elles sont partout. La solution consiste à éduquer le public et surtout les lycéens, qui seront les avocats et les jurés de demain. Malheureusement, en classe, on continue d’enseigner les probabilités avec des exemples issus du commerce ou des histoires de pots de yaourt. Vous ne pensez pas que les meurtres intéresseraient davantage les élèves ?