odilon

artiste aux mains pleines de doigts - visionscarto.net - Autrice de Bouts de bois (La Découverte)

  • Le dimanche soir

    Quand j’étais petiote, le dimanche soir c’était le moment du bain. Pour moi et mes deux frangines. Mes parents, qui avaient fait construire dans un des tous premiers lotissements de la banlieue Nord de Paris, avaient fait refaire la salle de bain, couleur émeraude, et installé une baignoire avec douche. La baignoire ne servait que le dimanche soir. C’est mon père qui prenait des douches de temps à autres. Sinon, on se lavait au lavabo.

    Il y avait aussi le film du dimanche soir mais je n’avais pas le droit de regarder, je devais aller dormir, le lendemain il y avait école. Mais je pouvais regarder en cachette dans la fente de la porte qui séparait le salon du couloir... avant de me faire chopper.

    Le dimanche soir, il y avait parfois les devoirs mais en général, c’était réglé avant.

    Plus tard, plus grande, indépendante, j’allais passer des week-end chez ma frangine installée à côté du Mans. C’était un moment de respiration parce que le mec que j’avais quitté ne voulait pas lâcher. Il me suivait sans cesse partout, sauf quand je partais en we. Mais le dimanche soir je devais rentrer, je bossais le lundi, je revenais au pays du cauchemar.

    J’ai fini par partir avec ma fourgonnette pleine à craquer, et je me suis installée au Mans, j’y avais fait rencontres et connaissances, je partais de zéro pour une nouvelle exprérience.

    J’y avais des amis, en fait je faisais partie de la famille, avec qui je passais, en autres, les dimanches soirs. C’était un petit moment entre nous qu’on aimait bien. B, infirmière, repassait sa blouse pour le lendemain matin. Puis, on se prenait un petit apéro en préparant une omelette de pommes de terres et une salade qu’on savourait en regardant les infos, puis le film du dimanche soir et enfin, le film du ciné club. Sur une petite télé en noir et blanc, puis une petite télé couleur.

    Venait régulièrement nous rejoindre, le petit A. Il ne faisait pas partie de la « famille » mais venait vaille que vaille et ça nous faisait rire. Mais parfois mes amis en avaient un peu ras le bol de cette visite subie plus que désirée.

    Et puis au fil de la vie et des rencontres, il y a ces fins de semaines qu’on passe chez des amis installés à des centaines de kilomètres et le dimanche soir, après deux trois jours où on a fait les fous, on s’est aimé, on a ri, on a partagé, on se sépare le regard humide en montant dans le dernier train et faisant coucou par la fenêtre avant de voir ses amis disparaitre... jusqu’au prochain voyage.

    Et puis il y a ces belles journées ensoleillées qu’on passe à jardiner, à bêcher, à planter, à transplanter, à semer, à récolter. Le dimanche soir on est bien fatigué, mais heureux.

    Et puis, il y a ce dimanche soir, où après des jours à avoir peint des petits carrés, on pose le dernier, sans déborder.

    Le dimanche soir, l’éternel retour :)

    #dimanche_soir