• Le jour où Michel Onfray a basculé - Bibliobs - L’Obs
    Par Eric Fassin
    http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20151002.OBS6956/le-jour-ou-michel-onfray-a-bascule.html

    Comment, dans les années 1930, des intellectuels ont-ils pu basculer de la gauche à la droite, jusqu’à sombrer à l’extrême ? Lentes dérives, sans doute ; mais il est aussi des ruptures brutales. Dans « le Figaro » (1) du 11 septembre 2015, Michel Onfray insinue que la photo d’Aylan, l’enfant syrien dont la mort a fait vaciller l’opinion internationale, pourrait n’être que « manipulation ». Il prend le parti du « peuple français méprisé », ce « centre » auquel on imposerait les « marges », réfugiés et sans-papiers, à grand renfort de « messes cathodiques de fraternité avec les populations étrangères ».

    Or, quelques années plus tôt, ce même philosophe combattait la xénophobie d’Etat. Le 5 novembre 2009, dans l’émission « Ce soir ou jamais », il dénonce avec force le débat sur l’identité nationale lancé par le ministre de l’immigration, Eric Besson. Pour Michel Onfray, un gouffre sépare les belles paroles républicaines de la réalité. Il s’indigne : « On détruit les camps de réfugiés, on pourchasse les sans-papiers... »

    Et si son renversement politique s’était joué précisément dans la suite de cette soirée télévisée de 2009 ? Car, après le philosophe, c’est au tour d’Houria Bouteldja, la porte-parole des Indigènes de la République, de critiquer Eric Besson. Quand celui-ci l’accuse de « délirer », Michel Onfray s’interpose : « Il faut entendre la douleur de madame ! » dit-il. « Ce n’est pas une douleur, l’interrompt celle-ci, je propose une analyse ! »