• Ci-dessous un bon texte juridique.

    Il y est fait allusion à l’année 1957, sommet de l’accueil de réfugiés en France, avec 400 000 réfugiés statutaires pour une population de 44 millions d’habitants. Apparemment ce sont surtout des Italiens après guerre, puis des Espagnols :
    http://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1962_num_26_4_2167

    Mais le paradoxe est que 1957 est l’année de l’immigration hongroise (suite à la révolution de 1956). Les pays du monde entier leur ouvrent les portes et... 60 ans plus tard, la Hongrie ferme ses portes aux gueux du monde entier...
    http://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1957_num_12_2_5505

    Dror

    #migrants #réfugiés #sans-papiers #demandeurs_d_asile #exilés #terminologie #vocabulaire #mots #asile #migrations #Hongrie #France #Histoire
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    L’asile et l’État
    François SUREAU, La Semaine Juridique - Edition Générale, le 5 octobre 2015

    La France maintient haut, en théorie du moins, la bannière du droit d’asile, dont les origines légales, au sens large, sont à la fois constitutionnelle (le Préambule de la Constitution de 1946) et conventionnelle (la Convention de Genève de 1951, modifiée en 67). Si l’on va à l’essentiel, ces textes garantissent la protection de la France à celui qui peut raisonnablement convaincre que, persécuté à cause de ses opinions ou de ses origines, ou exposé à de graves dangers dans une zone de guerre, il ne peut rentrer dans son pays sans exposer sa vie. Tout se joue, devant les institutions de l’asile, sur « la crédibilité du récit ». L’examen particulier suppose à cet égard une volonté et des moyens. Avant ce qu’on nomme la « crise des réfugiés », les deux n’étaient pas suffisants. Le demandeur était conduit à rester sur le territoire un temps qui rendait toute reconduite impossible, et condamnait à l’absurdité une politique de l’asile, fabriquant sept « sans-papiers » pour dix demandes. Puis la crise est venue. Ce système prend désormais l’eau de toutes parts sous la pression d’abord de l’émotion et des discours intéressés des politiques. D’un côté, au mépris du principe d’égalité, l’office français de protection des réfugiés et apatrides se déplace en Allemagne et propose le statut à des réfugiés syriens qui dans une large proportion n’en veulent pas. De l’autre, à Vintimille, policiers et gendarmes reconduisent par force, sans décision administrative attaquable, sans possibilité de recours, bref sans droit, et dans l’indifférence de la juridiction compétente, vers l’Italie, Erythréens et Soudanais.

    La même remarque vaut en ce qui concerne la politique européenne de l’asile. Pendant des années, l’administration - qui en ce domaine impose ses idées aux politiques, de droite comme de gauche - a mis en oeuvre la fiction du règlement Dublin 2 : les réfugiés devaient demander l’asile dans le pays par lequel ils étaient entrés dans l’Union européenne, un ensemble qui n’est pas un État et dans lequel ils ne pouvaient ensuite prétendre s’établir librement. Ces pays de frontière étaient en général pauvres ou xénophobes, ou les deux, si bien qu’y présenter une demande était vain. Les réfugiés y étaient incarcérés, battus puis chassés, et reprenaient naturellement la route vers des contrées plus hospitalières, parfois en se brûlant les doigts à l’acide pour éviter l’enregistrement des empreintes. Mais à aucun moment le demandeur d’asile n’était même admis à expliquer les raisons qu’il avait (la connaissance préalable du français par exemple) de vouloir que sa demande soit simplement examinée en France. Cette politique absurde a duré plus de dix ans, jusqu’à ce que la Cour EDH n’y mette un terme, au moins en ce qui concerne la Grèce.. La crise actuelle n’a rien changé. Pendant que d’un côté le Gouvernement proclame son attachement à l’idée de l’asile, de l’autre son administration renvoie chaque jour des demandeurs vers une Hongrie qui vient d’autoriser l’armée à employer contre eux les armes de guerre et paye des encarts dans les journaux libanais pour dissuader les victimes de la guerre de se réfugier chez elle.

    À la fin c’est beaucoup d’impostures pour « le pays des droits de l’homme ». Peut-on justifier ce double langage et ces pratiques douteuses par l’ampleur du phénomène ? Sûrement pas. En 1957, une France plus pauvre qu’aujourd’hui accueillait sur son sol 400 000 réfugiés statutaires pour une population de 44 millions d’habitants. En 2014, 190 000 réfugiés pour une population de 66 millions d’habitants. Le chômage et l’islamisme sont passés par là. S’ils peuvent expliquer certaines passions populaires, ils ne peuvent en revanche justifier la carence des serviteurs de l’État à faire le métier que la République est en droit d’attendre d’eux.