merci pour l’invitation, mais le ton adopté dans le texte de présentation est propre à décourager toute velléité de discussion.
Je le cite intégralement, pour que l’on puisse juger à nouveau sur pièce de ce que l’éditeur à jugé opportun d’y donner à lire :
La nature humaine ? Fiction dangereuse. La raison analytique ? Instrument d’uniformisation culturelle. La vérité ? Objet relatif masquant les dispositifs de pouvoir. Le langage ? Geôlier de la créativité. L’universalisme ? Alibi de l’Occident pour dominer le monde. Le corps ? Pâte à modeler au gré des innovations technologiques. Tels sont les lieux, devenus communs, de la pensée de la déconstruction.
Déconstruire… D’un concept plutôt ésotérique, les gauches « radicales » ont fait un programme systématique consistant à suspecter un rapport de domination sous chaque idée ou comportement. Si elles permettent de redoubler de subtilité sur les questions de mœurs – le domaine « sociétal » –, les théories de la déconstruction rendent les armes devant la marchandisation généralisée, l’emprise des industries culturelles et l’artificialisation du monde. Qui évoque la nécessité d’une décélération, parle d’aliénation, remet au cœur de l’analyse le corps vécu dans un environnement limité, commet dès lors le crime ultime : réintégrer un moment conservateur dans la critique.
Occupées à déconstruire et à se déconstruire à l’infini, les gauches « radicales » ont négligé le terrain du social, qu’une extrême droite opportuniste a investi en exploitant la détresse des perdants de l’histoire. Cet ouvrage tente de comprendre comment nous en sommes arrivés là, de donner les raisons de ce sabordage intellectuel et politique, en analysant l’influence de la déconstruction sur la critique sociale contemporaine. Il en appelle par là même à un renouveau de la lutte contre le capitalisme sur de tout autres fondements théoriques.
Pour faire bref : l’accumulation de dénis qui transparaît sous le premier paragraphe, ainsi que la présentation très particulière de la notion de déconstruction qui s’y donne à lire, la spécieuse dichotomie social/sociétal qui apparaît logiquement dans le second, le découpage et la soigneuse sectorisation ad hoc auxquelles procède l’auteur à propos de la pensée critique et des luttes sociales, avant une autocélébration complaisante de son parti (
Qui, etc, commet le crime ultime
) ;
enfin, le simplisme déconcertant de la thèse finale, qui attribue à une soudaine passion pour une déconstruction toute-puissante à rendre chacun inoffensif, les échecs, égarements et reniements de la "gauche radicale, sent tout de même d’un peu trop loin son affichage de confort intellectuel.
Tout cela ronronne, tourne en rond bien gentiment. Les insupportables critiques des idéalismes naturalistes et universalistes ont tous les torts dès la première ligne : un parti pris subtil qui ne manquera pas d’appâter bien des esprits disposés favorablement à la suite du propos.
La conclusion anti-historique (et très peu matérialiste) de ce propos : si tout continue, c’est bien sûr parce que la vieille et saine critique sociale a été évincée par une néo-pensée incapacitante qui a pour mantra la « déconstruction ».
Après avoir dû subir cela en vingt lignes, je ne vois pas de raisons d’aller me l’infliger derechef tout au long d’un livre.
Et pourquoi viendrais-je perturber une aussi belle harmonie par des propos discordants ? De quel droit viendrais-je (moi, ou d’autres) me faire mal voir à perturber d’aussi belles convictions ?
D’ailleurs, l’auteure d’un des posts cités avait pris les mesures nécessaires pour que je ne vienne pas gâcher ses amusements sur seenthis.
Ce sera donc - a moins que ne connaissant un succès et ne suscitant un engouement aussi navrant que l’agression masculiniste d’Escudero l’an dernier, il en devienne un problème remarquable à lui seul - ma première et dernière contribution à propos de cet opuscule et de son auteur.
Mes excuses pour la fausse note, même si j’ai lieu de croire qu’elle était attendue.
Et puis, franchement, si l’on devait se mettre en frais à chaque militant de telle ou telle variante de vieille critique sociale qui cède à la tentation de donner plus ou moins généreusement dans le backlash et de se présenter en victime des opprimé-e-s... j’ai heureusement mieux à faire de mon temps.