« la Bêtise a beaucoup d’avenir. Mais ce sont des devenirs que réclame le penseur », Pour Gilles Deleuze, penseur du déclic, Gilles Chatelet
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Car Gilles, mieux que quiconque, savait que son ennemi la #Bêtise qu’elle soit hargneuse ou grassouillette et « pluraliste », ne fait et ne fera jamais de cadeau. Il ajouterait peut-être : la Bêtise a beaucoup d’avenir. Mais ce sont des devenirs que réclame le penseur, des expériences réelles très différentes des possibles anticipés ou des « pour et des contre » indéfiniment pesés, des rencontres, avec la virulence du Dehors, presque toujours dangereuses... Il y a quelquefois des rencontres-siestes, des rencontres-orgies (la rencontre avec la Kermesse héroïque de Bacon-Rubens), mais aussi, bien plus souvent, des rencontres-rhumatismes ou des rencontres-torticolis... Ce sont ces rencontres qui donnent « l’impulsion d’un mouvement infini qui nous dessaisit en même temps du pouvoir de dire Je » .
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C’est pourquoi, selon Gilles, il était si urgent de répondre à la question de Spinoza : que peut un corps ? C’est toujours le corps qui doit prendre sur lui, accuser le coup en forgeant une élasticité nouvelle une plasticité pour se ramasser, se ressaisir et bondir armé d’un levier plus puissant, d’une articulation à la fois plus tendre et plus fine et donc plus subtile.
C’est toujours la Bêtise qui ne sait pas « prendre son temps » ou plus exactement qui le perd en oscillant toujours entre l’impatience et l’accablement. Elle ignore le ressort parce qu’elle confond la force et la pétulance : ivre d’elle-même, elle croit bondir et ne fait que ricaner et gesticuler pour « faire l’intéressante »... ce qui, bien sûr, lui fait manquer toutes les rencontres... Nous touchons ici un des points sensibles sur lesquels Gilles ne concédait rien : ne jamais confondre la force et la volonté d’anéantir, la penser toujours comme susceptible d’un tact, comme une main à serrer mais jamais à apprivoiser, de la force, il s’agit de capter un geste le geste acéré du danseur et du funambule sans jamais succomber aux excentricités et aux tonitruances des grands dadais du performatif. Il faut jouer la gymnastique contre la musculation. Gilles aimait les « embryons larvaires », non parce qu’ils sont promesses de papillons, mais parce qu’il y a beaucoup à apprendre de leur sobriété et de leur plasticité et peut-être surtout parce qu’ils savent comme l’herbe pousser par le milieu. Gilles répétait sans cesse : pensez au milieu et pensez le milieu comme le coeur des choses et comme coeur de la pensée, quitter la pensée-arbre avec ses hauts et ses bas, ses alphas et ses omégas, devenez un penseur-brin d’herbe qui pousse et pense ! Vous serez plus véloce que les lévriers les mieux dressés à la course ! On entend déjà grommeler la Bêtise : « Mais enfin, où est-il donc votre foutu milieu ? » Il est peut-être partout, mais jamais à la moyenne d’extrémités qui sont déjà là. La moyenne affaiblit toujours... Le « milieu » de Gilles n’est pas un « point » ou alors ce serait un « point métaphysique », comme disait Leibniz mais plutôt un axe, une charnière commandant tout un champ de forces de « virtualités ». Il y a même du chimique dans le milieu ; c’est un catalyseur : sans être un constituant, il déclenche la transformation.
#intellectuel_de_gauche (cf actuellement, Le Monde, Libération, L’Observateur qui font leur simili cure après avoir Onfrayfinkelkrautisé à perpéte...) #Gilles_Deleuze #Gilles_Chatelet