• Attentats de Paris : des Africains de la rue de Charonne témoignent
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    Si une bonne partie des locataires étaient devant le match de football France-Allemagne, certains comme Souleymane Yatera, 59 ans, préretraité qui vit au foyer de la rue de Charonne depuis quarante ans, ont été témoins de la suite de la fusillade à La Belle Equipe. En refaisant le chemin depuis le foyer, Souleymane raconte que c’est un café qu’il fréquente depuis des années. « Il s’appelait Le Méditerranée et a été repris par un nouveau propriétaire qui en a changé le nom il y a plus d’un an. » Ce vendredi soir, Souleymane y a justement rendez- vous. « En m’installant, je reçois un appel. Mon rendez-vous est déplacé dans un autre café, non loin de là. » Quinze minutes plus tard, attablé avec ses amis, il entend les premiers tirs, puis « un long moment d’une violence inouïe qui rappelait les films de guerre ». Après le départ des tireurs, Souleymane se précipe sur les lieux avec ses compagnons et constate « un spectacle horrible, du sang partout. Les blessés criaient à l’aide et on cherchait déjà des draps pour couvrir les premiers morts. »

    Trois jours après, Souleymane garde un sentiment de « dégoût » : « Les gens étaient venus pour manger, discuter, s’amuser, et ils trouvent la mort. Et ces terroristes osent dire qu’ils l’ont fait au nom de l’islam ! Ce n’est pas celui que je pratique. » Lassana, le trentenaire, certifie qu’il « n’y a pas de verset dans le Coran qui légitime ce que les terroristes ont fait ». Ancien travailleur dans la sécurité, Lassana connaît l’une des victimes du Bataclan : « En 2007, nous avions travaillé ensemble au siège du journal L’Humanité. » Il explique que la menace terroriste est l’une des raisons qui l’ont poussé à changer de métier. « Je me suis inscrit à une formation pour devenir gestionnaire de paie. » Aujourd’hui il s’inquiète de la présence accrue de policiers « alors que certains parmi les habitants du foyer ou ceux qui viennent nous rendre visite n’ont pas de papiers ». Et redoute les amalgames sur les musulmans et l’image négative qui va rejaillir sur le foyer : « On n’était déjà pas bien vus dans le quartier, les choses ne vont pas s’arranger. »