Après les attentats, comment faire revenir le public dans les salles de concert ? - Musiques - Télérama.fr
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Annulations en série, public absent, frais de sécurité à assumer. Les salles de concerts privées et des tourneurs paient un lourd tribut après les attaques de Paris. Les mois à venir s’annoncent compliqués.
Deux semaines après les attentats, la musique est toujours en berne en France. Si la vie a repris ses droits, doucement, et les concerts avec, la situation reste globalement précaire pour le secteur. « On n’a pas vendu un seul billet dans la semaine qui a suivi les attaques », se désole Didier Veillault, directeur de la Coopérative de mai à Clermont-Ferrand, dont la jauge oscille entre un club de 460 places et une salle de 1500. En temps normal, à cette période de l’année, il fait généralement salle comble à chaque soirée. Le manque à gagner, en matière de billetterie mais aussi de ventes au bar, est évalué à environ 25 000 euros depuis le 13 novembre. La fin de l’année sera difficile, même si la programmation n’a pas subi beaucoup d’annulations.
C’est à Paris que le futur immédiat s’annonce le plus délicat. « On ne réalise qu’un tiers de la fréquentation habituelle chez nous. Certains soirs, comme le week-end dernier, la salle était même vide », raconte David Delattre, directeur du Nouveau Casino, rue Oberkampf. La salle parisienne, qui opère désormais beaucoup dans le « clubbing » , n’a pas connu tant d’annulations que ça côté artistes, car elle propose des plateaux avec plusieurs DJ. Mais sa proximité avec le Bataclan, juste en bas de la rue, joue en sa défaveur. « La rue Oberkampf est déserte depuis dix jours. »
Pour certains tourneurs, notamment ceux qui disposent dans leur catalogue d’artistes étrangers, les planning se sont vidés brutalement. « On passe nos journées à gérer des annulations au lieu de travailler sur le booking de nos artistes », raconte Julien Catala, directeur de Super, qui gère aussi la salle du Trabendo, dans le parc de La Villette. Son malheur : avoir dans son giron beaucoup de groupes américains. « Ils ont peur de venir, les agents et les managers nous demandent des mesures de sécurité pour rassurer les artistes, mais à part deux ou trois vigiles en plus, je ne peux pas leur promettre de mettre l’armée devant la salle ! ».
La situation est d’autant plus critique pour lui que le mois de novembre est souvent le plus fourni de l’année en concerts, dans la capitale comme en province. « Ce qui nous tient à flot, c’est que nos artistes attirent surtout un public de niche, friand de concerts et plus susceptible de revenir rapidement dans les salles », assure Julien Catala. Mais le gouffre est béant : sur les deux dernières semaines, il affiche un manque à gagner de plus de 50 000 euros, entre ses activités de tourneur et la salle du Trabendo. « La conséquence, c’est qu’on va prendre moins de risques sur la programmation artistique, faire plus gaffe ».
Dans ce marasme, les structures privées ne doivent compter que sur elles-mêmes, obligées d’assumer seules (dans des ententes entre salles et producteurs) le surcroît de dépenses de sécurité, et faire face à la baisse massive de ventes de tickets. En début de semaine, le Prodiss, qui réunit les producteurs de spectacles, lançait un appel à la ministre de la Culture Fleur Pellerin. Dans la foulée des attentats, cette dernière avait annoncé le déblocage d’une somme de 4 millions d’euros pour faire face dans l’urgence aux besoins de la filière. Largement insuffisant selon les intéressés, qui ont interpellé la ministre en livrant leur évaluation des besoins : 50 millions d’euros, pas moins.
Alors, comment faire revenir les gens dans les salles ? « Il va falloir séduire le grand public, celui qui ne fait que quelques concerts par an. C’est à lui qu’il va falloir redonner envie de sortir », explique Didier Veillault. Comment ? « En faisant attention à l’accueil, au prix des places, des bières, en offrant peut-être des cadeaux, en étant plus chaleureux encore… ». Une chose frappe en tout cas chez tous les intéressés : la volonté de ne pas céder à l’abattement, de faire preuve de combativité. Comme le résume Thierry Langlois, patron du tourneur parisien UNI-T : « Même si l’inquiétude demeure, je veux être confiant : la vie est plus forte. De toute façon, on n’a pas le choix : soit on continue, soit on ferme boutique ».