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    #Macron retour vers le futur : en route vers l’#auto-exploitation

    Il revient. Il récidive avec un nouveau projet de loi « fourre-tout ». N’en étant qu’à son annonce il est pour l’instant difficile d’en apprécier les contours exacts. Mais au vu de son index, nous pouvons penser qu’il sera au moins aussi volumineux et destructeur que le premir (imposé par un grand coup « d’article 49-3 » de la constitution). Il se propose d’attaquer l’économie numérique, la santé et les transports.

    Mais il ne se limitera pas à cela. Un autre point y sera abordé, et c’est celui qui nous retiendra ici : l’emploi. En effet, ce projet de loi envisage de flexibiliser d’avantage le marché du travail. Concentré autour des métiers manuels, ce projet devrait permettre à des personnes non qualifiées de s’établir en tant qu’artisans ou de micro-entrepreneurs. A l’heure actuelle, il faut en effet être détenteur d’un CAP ou faire valoir au moins trois années d’expérience professionnelle pour pouvoir s’installer à son compte. La loi «  Macron 2  » vise à créer un nouveau statut, celui de «  professionnel de proximité  » qui ne possèderait ni expérience préalable ni connaissances complètes dans son domaine professionnel.

    L’extraordinaire justification avancée par le ministère de l’Economie est que les deux conditions actuelles constitueraient d’insupportables barrières empêchant l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché du travail, alors qu’elles sont simplement des garanties de qualité pour les personnes qui ont recours aux services de ces professionnels. Là résiderait la grande cause du chômage des jeunes.

    Macron « oublie » que plus de 32 % des jeunes détenteurs d’un CAP ou d’un BEP en sont encore à la recherche d’un emploi 3 ans après l’obtention de leur diplôme  ! Ce n’est donc pas le manque de compétence qui fait le chômage !

    L’incompétence, vertu professionnelle

    De plus, Macron renverse la logique et fait de «  l’incompétence  » une valeur professionnelle sûre pour trouver du travail. Il est vrai que, au niveau du gouvernement, l’incompétence est une valeur des plus sûres pour arriver (et se maintenir) au pouvoir : une parfaite illustration nous en a été fournie par Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, infoutue de dire combien il était possible d’enchaîner des CDD. Bon, mais une chose c’est de pérorer (et de se ridiculiser) à la télé, une autre est de remplir des tâches socialement utiles.

    Les motivations de ce projet de loi ne se trouvent donc pas – comme de bien entendu et en aucune façon - dans le souci de la jeunesse ou dans celui de la résorption du chômage ! Elles sont d’un tout autre ordre. Elles poursuivent le démantèlement des quelques protections offertes aux salariés par le Code du travail en s’appuyant sur un vieux mythe de l’économie néoclassique que les économistes à la solde du pouvoir présentent comme le saint-graal mais qui, dans la réalité, est catastrophique : la concurrence pure et parfaite (CPP).

    Pour comprendre ce à quoi aboutirait la régression que veut imposer la loi «  Macron 2  », le mieux est encore de prendre un exemple.

    Professionnel de proximité, un exemple

    Dans le bâtiment, il y a une trentaine de corps de métiers (maçonnerie, charpente, métallerie-serrurerie,…). Chacun remplit des tâches assez diversifiées qui sont plus ou moins pénibles et qui nécessitent plus ou moins de connaissances techniques, de savoir-faire.

    On peut d’abord isoler ces différentes tâches les unes des autres et on peut même, à l’intérieur d’une tâche, procéder à un fractionnement (comme ce qui s’est fait dans l’industrie et a abouti au travail à la chaîne). C’est ça, la grande idée de Macron : les fractions de tâche les plus pénibles et/ou les moins techniques seraient soldées à une « professionnel de proximité » qui serait, selon son statut, son « propre employeur » et qui travaillerait donc en tant que sous-traitant (la sous- traitance est devenue une plaie dans le bâtiment). Par exemple, en maçonnerie un « sous-traitant professionnel de proximité » pourrait très bien avoir une activité exclusivement limitée au transport des parpaings et des sacs de ciments sur tout un gros chantier. Cela quotidiennement, à longueur de journée, et sans aucune perspective d’évolution ou d’amélioration puisque, par définition (ou, pour être plus précis : du fait de son statut juridique et de son contrat de sous-traitance) il pourra être cantonné à cette tâche fastidieuse et pénible... jusqu’à ce qu’il n’en puisse vraiment plus ou qu’il subisse un grave accident de travail. Vous touchez ainsi du doigt la perversité de ce projet de loi rétrograde sous ses apparences de «  modernité ».

    En synthèse, plutôt que d’embaucher une personne en tant que salariée en CDI, de lui assurer un emploi stable, une progression de carrière, une couverture sociale ; les grandes entreprises du bâtiment passeront un contrat avec cette même personne que son statut «  d’auto-entrepreneur professionnel de proximité  » rendra encore plus fragile. Les grandes entreprises feront jouer la concurrence entre les «  professionnels de proximité  ». Ces derniers seront, les uns après les autres obligés de baisser leurs devis s’ils veulent travailler, puisque, dans la situation de concurrence atroce qui sera la leur, c’est le « devis le plus bas » (autrement dit le professionnel de proximité qui se serrera le plus la ceinture) qui emportera les miettes du marché (1). Et ce professionnel sera obligé de travailler sans relâche, bien au-delà de 35 ou 40 h. par semaine, et ce, probablement, pour ne même pas toucher le SMIC à la fin du mois. Etant « autoentrepreneur », il n’aura aucune protection sociale (ou presque). Il pourra être remercié à tout moment puisque rien n’interdit de passer des centaines de marchés successifs au jour le jour ou à la tâche. Bref, le fameux « auto-entrepreneur professionnel de proximité » sera avant tout un auto-exploité.

    1.- Et malheur à eux s’ils tentent de faire front commun : la loi a déjà prévu le délit d’entente illicite sur les prix. Derrière le statut clinquant et le «  rêve  » de devenir son propre patron, l’exploitation, atomisée, sera encore plus forte  !

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°147 /// Décembre 2015 - Janvier 2016