• La contribution éco-socialiste : Il n’y a pas de vague Bleu Marine, par Frédéric Gilli
    http://www.oplpv.fr/2015/12/il-ny-pas-de-vague-bleu-marine-par.html

    Je ne vais pas ici dire que le Front national ne progresse pas, ni qu’il ne gagne pas de nouveaux électeurs, surtout parmi les jeunes et les ouvriers. Les faits sont là : à force d’un patient travail de terrain, ce parti est en train de structurer un nouveau rapport à la politique dans des pans entiers de la population et il est bien possible que, une fois cette « socialisation » effectuée avec les cadres idéologiques qui vont avec, cela installe ces nouveaux électeurs dans un choix politique revendiqué et durable. D’ailleurs, à peine 50 % des #électeurs #FN de ce dimanche disent pouvoir envisager de voter pour un autre parti, c’est bien la preuve d’un ancrage fort.

    Ce que l’on peut en revanche prendre avec plus de mesure, c’est l’idée d’une déferlante, voire d’une vague. C’est le problème de toujours regarder les résultats au prisme de pourcentages calculés sur les exprimés : on en oublie des repères fondamentaux comme le nombre de voix effectivement rassemblées ou la part que cela représente dans l’ensemble de la population.

    Sans banaliser les résultats de ce week-end, on peut tout de même s’autoriser un peu de recul historique : si les résultats du FN sont numériquement importants, puisque plus de 6 millions de Français ont glissé un bulletin FN dans l’urne, ils ne constituent pas un plus haut historique, celui-ci a été atteint à la présidentielle de 2012, quand les 17 % de Marine Le Pen rassemblaient 6,4 millions de personnes. Ils ne constituent pas non plus un record si l’on rapporte les scores réalisés le 6 décembre à l’ensemble de la population inscrite sur les listes électorales : avec 13,3 % des inscrits rassemblés, c’est le niveau atteint par Le Pen père au premier tour de la présidentielle de 2002, tandis que Le Pen fille avait atteint 14 % en 2012.

    Les chiffres

    Que nous disent ces chiffres ? Que la forte progression du FN dans les pourcentages de suffrages exprimés tient plus à l’#effondrement_des_partis traditionnels qu’à une forte progression de sa part. C’est comme quand la mer se retire, on voit la vase au fond. Certes la profondeur de vase peut être plus ou moins importante, mais on ne peut pas non plus oublier l’absence des flots supposés la couvrir : le 6 décembre, en rassemblant 14,6 millions d’électeurs et moins d’un tiers des inscrits (32,7 %), les (autres) partis représentés au Parlement (PC, Verts, PS, UDI, LR) ont atteint leur plus bas historique. Au printemps, ils avaient rassemblé 14,9 millions d’électeurs et 35 % des inscrits, ce qui était déjà historiquement très faible. En moyenne, depuis 1997, ces partis rassemblent 50 % des inscrits.

    Le Front national n’est donc pas beaucoup plus haut aujourd’hui qu’il ne l’était à la fin des années 1990. La différence est qu’à cette époque les partis politiques traditionnels n’étaient pas encore dans l’état de déliquescence qu’ils connaissent aujourd’hui : plus qu’une progression puissante du FN, le résultat de dimanche est avant tout la déconfiture combinée du PS et de ses alliés potentiels à gauche, et de LR et ses alliés à droite.

    On se félicite ainsi de la remontée de la #participation, mais cela permet d’occulter au passage que, avec 22,4 millions d’#abstentionnistes le 6 décembre, nous avons frôlé de très peu le record historique atteint en 2010. Certes, on ne sait pas ce qu’auraient voté les #abstentionnistes, mais on ne peut pas non plus occulter que la progression de l’#abstention dans les vingt dernières années (6 à 7 millions de personnes en plus qui s’abstiennent) s’est produite de manière concomitante avec une baisse significative du nombre des personnes votant pour les partis traditionnels (2 à 3 millions en moins pour la gauche et 2 à 3 millions en moins pour la droite) : peut-être que 1 à 2 millions d’abstentionnistes se répartissent de manière équilibrée entre tous les partis, mais il y a bien un volume important des électorats de gauche et de droite qui s’est volatilisé depuis le début des années 2000.

    • Elections régionales : montée du FN et abstention, pourquoi ce n’est pas si simple
      En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/12/10/montee-du-fn-et-abstention-pourquoi-ce-n-est-pas-si-simple_4829128_4355770.h

      L’abstention est-elle la clé du succès pour le FN ? Il est très difficile de le déterminer. Dimanche 6 décembre, le parti de Marine Le Pen a réalisé l’un de ses meilleurs scores, dans un contexte de très forte abstention. Mais son plus gros succès, à la présidentielle 2012, s’est fait avec une abstention très faible.
      Nous avons tenté, sur un graphique, de visualiser tous les premiers tours électoraux depuis 2002, soit quinze élections au total. Nous avons fait figurer sur chaque graphe à la fois l’abstention et le score du parti frontiste en part des inscrits (donc combien de gens en position de voter sont allés voter pour lui, et non combien ont voté pour lui parmi ceux qui ont effectivement voté).

    • Le Front national est encore loin des portes du pouvoir, Hugo Melchior
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/14/le-front-national-est-encore-loin-des-portes-du-pouvoir_4831773_3232.html#Oe

      Gagner l’élection présidentielle ? Pari déraisonnable, mais posons l’hypothèse. Et ensuite ? Il faudra au FN remporter dans la foulée les élections législatives pour obtenir une majorité parlementaire. Or le FN dispose, pour l’heure, 2 députés à l’Assemblée. Comment peut-il espérer passer de 2 à 289 députés, seuil minimal pour détenir la majorité absolue, et cela sans recourir à quelque forme d’alliance que ce soit avec un « parti de pouvoir », en l’occurrence avec Les Républicains (LR) ? Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire politique française.
      Le fait d’obtenir 20 %, 25 %, voire 30 % au premier tour des élections législatives se révélerait insuffisant pour atteindre le pouvoir. Malgré de tels scores, le FN pourrait se retrouver avec une poignée de députés seulement, comme le PCF en 1958 qui, une fois encore sans alliés, fut victime du nouveau mode de scrutin majoritaire. Il n’en conserva que 10 sur les 150 sortants, malgré ses 19 % de voix. Le problème se poserait de la même façon si on revenait au scrutin proportionnel : avec 25 %, le FN pourrait, certes, disposer de 150 députés à l’Assemblée nationale, faisant de lui une force incontournable, mais il ne serait toujours pas en mesure de gouverner seul. Faute d’alliés pour faire majorité, à l’instar du PCF entre 1947 et 1958, celui-ci risquerait de demeurer désespérément dans l’opposition.
      Dès lors, il apparaît que, malgré ses succès répétés, le FN n’est pas encore au seuil de la porte de la maison du pouvoir et pourrait, comme le PCF au temps de son âge d’or, continuer à se situer très haut sur le plan électoral sans jamais être en mesure de gouverner. Tant qu’il assumera cette posture du « seul contre tous » et qu’aucun parti de gouvernement ne consente à faire alliance avec lui, la maison du pouvoir risque de lui demeurer inaccessible.