• Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel : GUERIN | FASCISME & GRAND CAPITAL
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    « D’autre part, le fascisme préfère susciter la foi plutôt que s’adresser à l’intelligence. Un parti soutenu par les subsides du grand capital et dont le but secret est de défendre les privilèges des possédants n’a pas intérêt à faire appel à l’intelligence de ses recrues... »

    « Le fascisme n’hésite pas à séduire les masses au moyen d’une démagogie passe-partout. Il promet la lune à chaque catégorie sociale, sans se soucier d’accumuler les contradictions dans son programme. »

    « Le fascisme, de quelque nom qu’on l’appelle, risque de demeurer l’arme de réserve du capitalisme dépérissant. »

    Daniel Guérin
    Fascisme et grand capital
    1936, complété en 1945

    L’ouvrage Fascisme et Grand Capital, de Daniel Guérin, est le récit de la montée du fascisme en Europe, le fruit pourri d’une crise économique longue et destructrice, et l’expression de la décadence de l’économie capitaliste ; il n’est pas le produit du grand capital en tant que tel, mais il le devient à partir du moment où son hégémonie sur les masses - sincèrement convaincues ou réprimées et rendues muettes par la force - prend de l’amplitude.

    La percée des partis politiques nationalistes en ce début de 21e siècle se différencie ainsi de leurs ancêtres : pas de milices armées agissant en toute impunité, pas de programme politique radical appelant à une révolution totale, c’est-à-dire, utopique {1}, ni d’homme providentiel capable de soulever, réveiller l’enthousiasme d’immenses foules et guider leurs instincts les plus pervers, dont guerrier et xénophobe. En France, nul ne pouvait prétendre incarner cet homme providentiel - l’on tenta sans succès de faire accéder à ce statut de demi-dieu Léon Blum, puis Pétain.

    Pourtant, le pays était bien prédisposé à suivre la voie du fascisme, tant l’antisémitisme, aussi vigoureux qu’outre-Rhin, et les sentiments de xénophobie aiguë étaient manifeste dans l’opinion publique, y compris au sein de la Gauche. Que l’on explique par les effets conjoints de la persistance de la crise économique, de l’incapacité des politiques, leur corruption {2}, d’un véritable raz-de-marée de réfugiés, d’apatrides fuyant l’Italie {3}, l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne et l’Espagne de Franco.

    La question de la maîtrise et de la gestion de l’immigration {4} devint un des principaux sujets de débats politiques, et naturellement la droite se déchaîna, sans complexe aucun, suivant le chemin tracé par les ligues de l’extrême-droite, tel l’écrivain Jean Giraudoux, auteur de Pleins Pouvoirs, dont voici l’avis sur la question :

    Entrent chez nous tous ceux qui ont choisi notre pays, non parce qu’il est la France, mais parce qu’il reste le seul chantier ouvert de spéculation ou d’agitation facile, et que les baguettes du sourcier y indiquent à haute teneur ces deux trésors qui si souvent voisinent : l’or et la naïveté. Je ne parle pas de ce qu’ils prennent à notre pays, mais, en tout cas, ils ne lui ajoutent rien. Ils le dénaturent par leur présence et leur action. Ils l’embellissent rarement par leur apparence personnelle. Nous les trouvons grouillants sur chacun de nos arts ou de nos industries nouvelles et anciennes, dans une génération spontanée qui rappelle celle des puces sur un chien à peine né.