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Le portail des copains

  • Dessine-moi un éléphant
    http://unmug.tumblr.com/post/134519602042/dessine-moi-un-%C3%A9l%C3%A9phant

    Les anglophones ont une expression délicieuse : « the elephant in the living room », l’éléphant dans le salon. Elle désigne cet étrange phénomène de truc énorme en train de se passer dans notre vie, mais sans que jamais ce ne soit dit, sans même qu’on s’en aperçoive. On tourne autour de l’éléphant dans le salon, on fait comme s’il n’était pas là. Source : Un mug

    • La première de ces fausses croyances s’appuie sur des mythes, ancrés socialement. Pour faire court : personne n’aime être responsable.

      Pour développer : d’une part, il est plus rassurant que croire que les responsables de violences conjugales sont des êtres un peu anormaux, des personnes dénuées de tout sentiment, des bêtes, des sauvages, des pas-comme-nous. C’est rassurant sur notre propre nature d’être humain – nous, êtres humains, nous ne sommes pas capables de faire de telles choses, ça non. C’est rassurant sur notre nature d’homme – moi, homme, je ne suis pas capable de faire de telles choses, ça non. Ils ont eu des problèmes dans leur vie, leur enfance, cela a dû briser leurs repères ; c’est rassurant pour notre propre nature d’être humain avec des repères – moi, je ne suis pas capable de faire de telles choses, ça non ; c’est rassurant pour notre propre nature de parents – mes enfants, que j’élève avec brio, ne pourront pas faire de telles choses, ça non.

      Ce mythe des gens bons d’un côté et des méchants de l’autre, abreuvé en permanence et depuis l’enfance par les dessins animés, les livres, les contes, les films, les mots des parents « Attention, ne parle pas aux inconnus, certains sont méchants » « Pourquoi il va en prison, lui ? — Parce qu’il est méchant », ce mythe rassure la société qui continue à tourner avec ses gens bons qui regardent dans les coins s’il n’y aurait pas quelques méchants.

      D’autre part, il est beaucoup plus pratique de tourner sur ce manège-là plutôt que d’arrêter tous les poneys d’un coup pour se dire : Hey ? Mais ce sont nos enfants qui deviennent ces maltraitants, comment faire pour que ça ne se reproduise plus ? — Non mais c’est de la faute de leurs parents !! — Si c’est le cas, ces parents, ils ont été enfants aussi, je répète : comment faire pour que ça ne se reproduise plus ? Peut-on réellement prendre le temps de se pencher sur la question, de donner enfin les moyens, financiers, humains, matériels, à l’éducation, l’aide à l’enfance, aux parents, à la justice des mineurs, aux associations qui œuvrent en ce sens, plutôt que de mettre des pansements sur les plaies une fois faites ? — Euh… Pffff, allez viens, on fait repartir les poneys !!

    • Doutes, remises en cause du récit, accusations, engueulades, culpabilisations, fuites, mises en perspective déplacées, tout y passe. En tête de liste, l’incompréhension. « Mais je comprends pas… » Qu’est-ce qui n’est pas compris ? Pourquoi elle reste. Pourquoi elle ne part pas. Pourquoi elle n’a pas porté plainte. Pourquoi elle a retiré sa plainte. Pourquoi elle est retournée vivre avec lui. Pourquoi elle est tombée enceinte. Pourquoi, pourquoi, pourquoi.
      En seconde place dans le top 50, l’amour. Si la victime de violences conjugales parle d’amour, l’interlocuteur ouvre de grands yeux, lève les sourcils, soupire, secoue la tête, dit « N’importe quoi putain ! », se tape sur les cuisses, fait des salto arrière, mange un oreiller. Parce que lui, il sait ce qu’est l’amour, et l’amour ce n’est pas ça.
      Alors, fatalement, c’est qu’elle le veut bien. C’est qu’elle cherche ce qui lui arrive. C’est qu’elle aime ça. Qu’elle est perverse.

      Vous avez déjà construit une maquette ? Un vaisseau Lego ? Une maison Playmobil ? Une cabane en rondins ? Un igloo avec des carrés de neige ?
      On se souvient toujours de la première pièce. Le premier élément qu’on a placé. Les inaugurations de bâtiments se font en fanfare sur la première pierre. Personne ne vient voir ce qui se passe quand les ouvriers en sont au troisième étage à installer des milieux de fenêtres. Personne ne se souvient des éléments microscopiques de sa maquette d’avion, ceux qui allaient à l’intérieur et qu’on ne voit même plus. On se rappelle le commencement.
      Une victime de violences conjugales se souvient toujours de la première fois. La première fois où elle s’est dit « Wow, c’est bizarre. » Une première dispute, bizarre, pour une raison bizarre, dans un lieu bizarre, sur un ton bizarre. Est-ce qu’on quitte quelqu’un qu’on aime parce qu’une dispute est bizarre ? Non, ce n’est pas suffisant. On avance avec, on fait une concession, c’est le principe du couple. Sur le premier élément, tordu, on en pose un deuxième, joli, coloré.
      La première fois où elle a été gênée par ses propos, devant ses amis, sa famille, ses collègues. Elle lui en a parlé ensuite, il a reconnu que c’était déplacé, ça arrive à tout le monde, discussion de couple. On monte les éléments les uns sur les autres.
      Le temps passe, éléments stables, éléments moins stables, l’ensemble monte. « Y a des hauts et des bas », c’est le principe du couple. Il y a surtout des moments forts. Il la place au-dessus de tout et de tout le monde, il lui dit des choses qu’elle n’a jamais entendues, qu’elle a besoin d’entendre, qu’il a besoin de dire ; elle est son unique amour, il ne vit que pour elle, elle est irremplaçable, il sera toujours là pour elle, s’opposera à quiconque lui voudra du mal, la défend envers et contre tout. Elle l’aime tout autant, elle seule sait qu’il est fragile malgré les apparences. Dans leur bulle, ils ressentent ce qu’ils avaient toujours eu besoin de ressentir. Sur les fragilités antérieures de l’un et de l’autre, le ciment prend, solide. Il coule sur les premières bases et amalgame l’ensemble dans un bloc compact. Impossible désormais de discerner quelle pièce provenait d’elle et laquelle venait de lui ; il n’y a que des éléments uniformes bétonnés. Les prochains seront préalablement trempés dans l’enduit « couple » avant même d’être mis en place.

      #aliénation

    • Si cette forme de parasitisme humain est aussi difficile à détecter c’est d’une part parce-que le parasite sait détecter certaines blessures de la personne cible et y mettre du baume dans les premiers temps de la relation ; c’est aussi parce-que la personne cible n’est pas capable de penser comme le parasite, n’est pas capable de se figurer le trou noir qu’il y a à l’intérieur, et de quelle façon ce trou noir engloutira tout ce qu’elle investira dans la relation, en faisant jouer contre elle ses propres qualités humaines : empathie, dévouement, droiture, sens de l’engagement. La personne cible agit comme si c’était un autre humain comme elle qu’elle était en train d’aimer, et plus elle y met de sa personne plus c’est difficile de voir et d’admettre qu’elle met ce qu’elle a de plus précieux dans un trou noir qui engloutit tout et lui donnera toujours la sensation qu’elle n’en fait pas assez.