• Des combats ont eu lieu dans la mohafaza d’Idlib entre al-Nusra et Ahrar al-Cham. Ils sont survenus après une tentative d’unification ratée entre les deux organisations, alliées au sein de Jaysh al-Fatah. Pour l’instant un cessez-le-feu a été obtenu mais les tensions restent vives, selon Reuters.
    http://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-nusra-insight-idUSKCN0V729B

    The leader of al Qaeda’s Syrian wing tried unsuccessfully at a recent meeting to convince rival Islamist factions to merge into one unit, several insurgency sources have told Reuters.[...]
    Nusra and Ahrar al-Sham are the most powerful groups in northern Syria: when they briefly teamed up with other Islamists last year in an alliance called the Fatah Army, the rebels scored one of their biggest victories by seizing the city of Idlib.[...]
    A few days later, members of the two groups clashed in the towns of Salqin and Harem in Idlib province, near the border with Turkey. Several fighters were killed on both sides, but other insurgent groups brokered a quick ceasefire.
    Jihadi sources, including some from Ahrar al-Sham, say it is only a matter of time before another battle between the two erupts. They say the rift between them is getting deeper, although mediation continues. One restraining factor has been an imminent assault by the Syrian army and its allied forces in northwestern Syria.

    On comprend qu’al-Nusra veut se fondre avec d’autres organisations salafistes comme Ahrar al-Cham, considérées comme plus respectables et donc que leurs parrains respectifs (Turquie/Qatar) peuvent encore soutenir à ciel ouvert, dans le contexte des discussions de Genève où il faut bien définir qui peut s’assoir à la table. Et donc qui, à terme, sera universellement considéré comme « terroriste ».
    Mais puisqu’on ne peut pas ripoliner l’image d’al-Nusra, malgré les efforts louables d’al-Jazeera, et encore moins effacer cette branche syrienne d’al-Qaïda de la #liste_noire à l’ONU, quand bien même celle que devait établir la Jordanie a disparu des radars, il lui faut donc au plus vite se fondre pour mieux survivre. Car Al-Nusra craint sinon, et non sans raison, de se retrouver isolé et de devenir le pion qu’on sacrifie.
    C’est ce qu’on devine en filigrane dans la dépêche Reuters :

    Some rebels believed a merger would create a stronger rival to Islamic State and might attract much-needed military support and recognition from regional and international powers.
    But the leaders left without an agreement, and the sources said the atmosphere was tense, with Nusra blaming Ahrar al-Sham for the failure.[...]
    Distrust between Nusra and Ahrar is mutual. Nusra accuses its Islamist rival of being a front for Turkey, addressing not the “interests of Muslims” but the agenda of Ankara in order to be part of a future political deal to rule Syria.

    On voit donc que les pourparlers de Genève - qui ne sauraient être plus qu’une amorce d’ébauche de discussions -, et l’épineuse question de qui reçoit une invitation, ont cependant d’ores et déjà fonctionné comme une liste_blanche implicite, menaçant l’unité de la coalition Jaysh al-Fatah.
    Car Ahrar al-Cham a particpé au « Haut Comité pour les Négociations » et est donc encore potentiellement sur la liste blanche tacite, malgré les protestations russes. Ce, malgré le fait qu’il ait décidé de ne pas se rendre à Genève :
    http://www.nytimes.com/2016/01/30/world/middleeast/syria-talks-geneva-opposition.html?smid=tw-share

    The powerful hard-line Islamist group Ahrar al-Sham attended the talks in Riyadh in December where the High Negotiations Committee was formed, but then walked out, saying the delegation was too close to the Assad government. Russia had publicly opposed allowing the group and another, the Army of Islam, to take part in talks, a position it restated on Friday.

    Mais, al-Nusra, lui, est déjà sur une vieille « liste noire »...
    http://seenthis.net/messages/433418
    Si l’idée de négociations internationales continuent à s’imposer malgré l’échec prévu de Genève, il risque de n’y avoir plus comme choix à al-Nusra que de tenter la politique du fait accompli en confrontant militairement Ahrar al-Sham pour la phagocyter et faire pression sur leurs parrains respectifs, ou à capituler et disparaître en laissant certains de ses militants rejoindre son désormais rival salafiste - et d’autres Da’ich. Quant à Ahrar al-Cham sa position devient de plus en plus difficile, soit il doit renverser la table et risquer de déplaire à ses parrains, ou bien accepter l’affrontement direct avec al-Nusra, au risque de voir une partie de sa base rejoindre celui-ci et d’en sortir très affaibli.
    En tout cas, au plus grand bénéfice de l’armée syrienne qui, lentement, progresse, ça pourrait bien chauffer dans la province d’Idlib...

    La dépêche Reuters, reprend de manière complaisante le discours d’Ahrar al-Cham sur les différences fondamentales en matière de tactique, de stratégie et d’utilisation de combattants étrangers, qui les sépare d’al-Nusra pour expliquer ces tensions. Mais le journaliste ne se demande pas une seconde pourquoi alors, il y a un an, quand cette alliance se scellait début 2015 sous l’impulsion de la Turquie, du Qatar et des Saoudiens, ces différences si fondamentales ne posaient pas problème.
    En conclusion les paroles d’un commandant d’Ahrar al-Cham al-islamiya :

    Asked how long the groups could avoid hostilities, an Ahrar al-Sham military commander said: “We can avoid fighting with Nusra for now. For how long? That is a difficult question. Only God knows.”

    #Ahrar al-Cham #JAN #al-Nusra #Syrie

    • Sur cette négociation ratée entre al-Nusra et Ahrar al-Cham et le noeud de son affiliation à al-Qaïda (question désormais fondamentale surtout pour leurs parrains), on peut lire en anglais :
      http://www.longwarjournal.org/archives/2016/01/al-nusrah-front-chief-proposed-rebel-unity-plan.php

      Ahrar al-Cham à Genève ?
      http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2016/01/29/002-onu-pourparlers-paix-syrie-geneve-opposition-regime.shtml

      La Russie conteste la légitimité du HCN, en raison de la présence d’Ahrar Al-Sham et de Jaish Al-Islam, qu’elle considère comme des groupes « terroristes ». Elle ne veut notamment rien savoir du représentant de Jaish al-Islam, qui doit être le négociateur en chef du HCN.
      Le ministère russe des Affaires étrangères a réitéré cette position vendredi, selon l’agence russe RIA. Le groupe Ahrar Al-Sham est membre du HCN, mais a néanmoins décidé de ne pas prendre part aux pourparlers de Genève, de crainte que ses combattants ne contestent cette décision et se joignent au Front Al-Nosra, opposé à ces négociations.

    • Tout l’attirail des « conditions » ne servirait-il pas, justement, à nous éloigner de cette question des « listes noires/listes blanches » ? Cet article du NY Times vient fort à propos nous indiquer ce qui serait désormais « crucial » :

      Besieged Syria Towns Emerge as Crucial Sticking Point in Talks
      http://www.nytimes.com/2016/01/30/world/middleeast/syria-peace-talks-begin-with-only-one-side-at-the-table.html?smid=tw-share&

      Representatives of the opposition had refused to come until the besieged towns are given a reprieve and bombings of civilians are halted. But by late Friday evening, the members of the High Negotiations Committee, a Saudi-backed umbrella group of opposition parties, felt compelled to fly to Geneva, less to talk about how to end the war than to make that case.

    • @nidal : de votre avis.
      Stratégie dilatoire risquée car sur le terrain les choses n’évoluent plus du tout en leur faveur, et que le « régime » n’a visiblement pas non plus intérêt à ce que l’agenda des négociations ne devienne impératif.

    • @souriyam : d’accord si on prend en compte une approche un tant soit peu rationnelle de la situation.

      Mais on a clairement à faire à des gens qui, depuis 5 ans, se sont trompés sur tout : ils ont été choqués quand le régime ne s’est pas effondré en trois mois, ont été scandalisés quand les alliés du régime sont venus leur voler leur victoire, ont cru à une intervention de l’OTAN, ont pensé qu’ils pourraient eux-même décréter une intervention américaine, n’ont pas vu venir l’intervention massive russe…, et je crains qu’ils ne soient encore dans une lecture de ce genre (parce que ce sont des choses qu’on voit passer) :
      1. les Russes vont « s’enliser » et la Syrie sera « leur Vietnam » ; les Iraniens vont lâcher et négocier des trucs ; le Hezbollah va perdre le soutien des Libanais chiites et va devoir laisser tomber, etc.
      2. les bas prix du pétrole vont accentuer les difficultés russes et iraniennes ;
      3. dans la même logique : il est indispensable de ne pas lever les sanctions contre la Russie et contre l’Iran ; multiplication des provocations ;
      4. "on" y croit : avec un bon « surge » financé par l’Arabie séoudite, la situation pourra se retourner ;
      5. en janvier 2017, il y aura un nouveau Président aux États-Unis. Si "on" tient jusque là, tout pourra changer.

      En revanche, il faut continuer absolument à masquer l’aspect extrémiste de « nos » combattants, et continuer à prétendre que le gros de « nos » troupes, ce sont les 70.000 modérés (ah oui, dire : « mainstream ») de Lister. Si une liste noire ou une liste blanche est réellement validée par le Conseil de sécurité, tout ces calculs s’effondrent.

    • @nidal : C’est très juste.
      En tout cas al-Nusra se sait condamné à terme par ses parrains dès lors qu’ils envisagent autre chose qu’une pure victoire militaire. Peut-être en rêvent-ils encore ? C’est ce que vous suggérez. Et je me base sur l’idée que la réalité les rattrape, ou du moins certains d’entre eux.
      Mais vous avez raison, je n’en suis pas si sûr et je suis incapable d’évaluer jusqu’où leurs erreurs peuvent les pousser à contrevenir à leurs intérêts, et leurs délires les pousser à persévérer dans la logique de confrontation qui mène à la destruction de la Syrie, malgré tout ce qui risque d’en sortir de funeste, aussi pour eux. :(