Rumor

sur Mastodon : @erverd@sciences.re

  • Philippe Askenazy : «  On assiste à la constitution de nouveaux monopoles  »
    Ce livre a l’air hyper intéressant
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/02/11/philippe-askenazy-on-assiste-a-la-constitution-de-nouveaux-monopoles_4863700

    L’histoire politique de ces quarante dernières années montre que certaines catégories professionnelles ont accru leur capacité à capter la rente économique au travers d’instruments ­juridiques et institutionnels plus qu’économiques. C’est ce que j’appelle l’extension du ­domaine de la propriété. Le surgissement de l’économie de la connaissance, basée sur le ­développement des technologies de l’information, était une véritable menace pour le capitalisme traditionnel, parce que sa matière première – la connaissance, la science, l’information – est constituée de «  biens communs  », dont la rente pouvait être distribuée à tous. Le capitalisme s’est sauvé lui-même en étendant les droits de propriété sur le capital immatériel. Par exemple  : les molécules médicamenteuses échappaient au brevetage en France jusqu’à la fin des années 1960. Ce n’est qu’en 1996 qu’une directive européenne a établi la propriété des bases de données. A la même époque, on a aussi breveté le génome.

    De plus, le propre de l’économie de la connaissance est de concentrer les ressources d’intelligence et la création de valeur sur des territoires restreints, comme la Silicon Valley, ou des «  villes-mondes  », comme New York, Londres ou Paris. La ressource rare n’est alors plus l’argent, le savoir ou les ordinateurs mais… le foncier. L’accumulation des revenus provient d’une part de la rente du savoir, d’autre part de la rente foncière, la plus vieille du monde  !
    [...]
    les conditions d’une reprise des mouvements collectifs sont réunies  : tous les travailleurs étant concentrés dans des espaces circonscrits, les «  créateurs de richesse  » deviennent très dépendants de tous ces emplois de service prétendus «  peu qualifiés  ». Ce n’est pas un hasard si deux de ces mouvements sont apparus en des points emblématiques des deux rentes que j’évoquais  : la rente foncière, avec les grèves à répétition des femmes de chambre du «  triangle d’or  » des grands hôtels parisiens, de 2013 à 2015, et la rente du savoir, avec la grève des chauffeurs des bus de Google dans la Silicon Valley, en 2013. Ils ont obtenu immédiatement satisfaction, et à leur suite une pléthore de métiers connexes (maintenance, nettoyage, restauration).
    [...]
    je préconise de repenser le projet social-démocrate avec des objectifs précis  : borner les droits de propriété, mettre en évidence la création de richesses des pseudo- «  improductifs  » et, du coup, revaloriser – ne serait-ce que dans les grilles salariales des ­conventions collectives – les emplois dits «  non qualifiés  ». Il s’agit de revaloriser le travail de tous, et pas seulement celui des catégories capables de le faire valoir dans les champs politique, médiatique et juridique.

    #communs #économie_collaborative (sou dite telle)