• Long, mais vaut la peine : You’re gonna need a bigger boat | Terrorismes, guérillas, stratégie et autres activités humaines
    http://aboudjaffar.blog.lemonde.fr/2016/02/16/sedan

    Cette réalité, bien connue des services mais manifestement pas des responsables politiques, a entraîné depuis des décennies la création de centaines de coopérations internationales. On échange des renseignements, on traite des sources en commun, on monte des opérations, on se désigne des cibles, on partage des analyses et des méthodes, et appeler à chaque nouveau carnage à une meilleure coopération revient à demander à un pilote de rallye s’il sait conduire. On peut, évidemment, toujours faire mieux, mais il convient de s’interroger sur les buts de ces coopérations appelées de leurs vœux par des ténors qui savent à peine combien la France compte de services, et quelles sont leurs missions.

    De quelle utilité, après tout, pourrait être une aide étrangère quand nos propres services se parlent parfois à peine, se concurrencent souvent, et éprouvent de grandes difficultés à traiter les renseignements qu’ils ont recueillis seuls ? Les échos qui remontent de tous les ministères décrivent ainsi des relations dégradées entre services, des analystes noyés – sans surprise – sous les données à exploiter, des opérationnels épuisés, des responsables n’ayant qu’une compréhension parcellaire de la menace qu’ils affrontent, le tout sous la pression de dirigeants qui ne veulent que des résultats et, sous l’influence de gourous aux qualifications mystérieuses, se refusent à obstinément à affronter des difficultés dont ils sont, après tout, comptables.

    Face au jihad, les services français – comme d’autres avant eux – avancent tant bien que mal, tirés par un attelage déséquilibré. Abondamment alimentés en renseignement technique, grâce à une loi votée il y a un an, qui devait nous apporter la sécurité et qu’il était donc suspect de questionner, nos services restent débordés. Ils le sont à la fois par l’ampleur de la menace elle-même et par les moyens incomplets qu’on leur a attribués. La focalisation sur l’indispensable recueil de renseignements a conduit à délaisser le renforcement des filières analytiques de nos services. On se souviendra que cet écueil a été celui sur lequel les Etats-Unis se sont échoués le 11 septembre, et c’est donc avec le rire du désespoir qu’on voit s’échouer à leur tour ceux qui, du haut de leurs certitudes, nous affirmaient depuis des années que la DGSE n’était pas la NSA, que la France avait sa propre culture du renseignement et que jamais-jamais-jamais-mon-pauvre-ami il ne nous arriverait une telle catastrophe. Sauf que si. Parler aux magistrats ou à certains responsables permet de mesurer la complexité excessive de la communauté française de la lutte contre le terrorisme, tiraillée entre les querelles de ministères, les inimitiés personnelles et, surtout, de trop nombreux services au sein d’une architecture qu’il faudra bien finir par qualifier d’incohérente, d’inutilement complexe et, en réalité, d’inadaptée.

    #terrorisme #DGSE #sécurité #attentats

    • Le concours national de foutaises, du n’importe quoi sans entrave, a tout dit de nous et de notre pays. Abou Omar n’avait pas tort en estimant qu’un attentat majeur infléchirait notre ligne diplomatique, mais s’attendait-il à la démonstration de non-résilience offerte par nos dirigeants, un grand nombre de nos intellectuels et la quasi-totalité des éditorialistes ? Comme je ne cesse de l’écrire et de le répéter, c’est nous, cibles, victimes, qui faisons le succès d’un attentat. Plus celui-ci est violent, meurtrier, et plus il est évident que nous éprouverons des difficultés à surmonter l’épreuve. A cet égard, l’admirable sobriété des victimes, l’exceptionnelle solidité de leurs familles sont ce que je veux retenir de mon pays après le 13 novembre. Je refuse, en revanche, d’assister aux séances de déni, aux discours martiaux de dirigeants oscillant entre la sidération du candide découvrant le monde et le cynisme d’un Frank Underwood de seconde zone. Le Premier ministre, qui prétend que l’état d’urgence sera maintenu tant que la menace durera, a-t-il compris la nature de ce combat ? S’il écoute son conseiller personnel, on peut en douter.

      Conscient, en tout cas, du caractère historique du moment, et n’écoutant que sa modestie, M. Valls a publié, le 6 janvier, ses discours de guerre. Tentant de mettre ses pas dans ceux de Georges Clemenceau, de Winston Churchill ou de Charles De Gaulle, il semble avoir oublié qu’on ne publie ses discours que quand la guerre est finie, et qu’on l’a gagnée. Ce n’est pas encore le cas. Pas vraiment, et il va donc falloir s’y mettre sérieusement.