• L’Angleterre et la France ont ouvert la voie à l’État islamique
    Patrick Cockburn| lundi 21 mars 2016 -
    http://www.info-palestine.eu/spip.php?article15955

    La capture de Salah Abdeslam, vraisemblablement l’unique survivant et planificateur du massacre de Paris, fait que les médias se concentre à nouveau sur la menace d’une attaque terroriste par l’État Islamique (EI). Des questions sont posées sur pourquoi l’homme le plus recherché en Europe a pu tromper la police si longtemps, alors qu’il se cachait dans le district même de Molenbeek à Bruxelles. La télévision et les journaux s’interrogent avec nervosité sur la possibilités que l’EI commette une autre atrocité, pour se replacer à la pointe de l’actualité et prouver qu’il est toujours opérationnel.

    Le reportage sur les événements à Bruxelles est du même tonneau que ceux réalisés après les attaques de janvier (Charlie Hebdo), de novembre à Paris, et les massacres sur les plages en Tunisie commis par l’EI l’année dernière. Pendant plusieurs jours il y a une couverture dominante dans les médias, avec beaucoup plus de temps et d’espace que ce qui est nécessaire pour relater tous les développements. Puis soudainement l’attention se déplace ailleurs et l’EI devient une histoire qui date, traitée comme si le mouvement avait cessé d’exister ou a au moins perdu sa capacité de nous nuire.

    Cela ne signifie en rien que l’EI a cessé de tuer des gens - et en grand nombre - depuis le massacre à Paris le 13 novembre... Cela veut juste dire qu’il ne le fait pas en Europe. J’étais à Bagdad le 28 février dernier quand deux attaquants-suicide de l’EI, sur des motos, se sont faits exploser sur un marché en plein air de téléphones portables à Sadr City, tuant 73 personnes et en blessant plus de 100.

    Le même jour, des dizaines de combattants de l’EI, montés sur des pick-up et équipés de mitrailleuses lourdes, ont attaqué des avant-postes de l’armée et de la police à Abu Ghraib, le site de la prison tristement célèbre à l’ouest de Bagdad. Il y a eu un premier assaut mené par au moins quatre attaquants-suicide, l’un d’entre eux conduisant un véhicule chargé avec des explosifs jusque dans la caserne, et les combat ont duré pendant des heures autour d’un silo de grain en feu.

    Le monde extérieur a à peine noté ces événements sanglants, parce qu’ils semblent faire partie de l’ordre naturel en Irak et en Syrie. Mais le nombre total d’Irakiens tués dans ces deux attaques - avec encore un autre double attentat-suicide sur une mosquée chiite dans le secteur de Shuala à Bagdad quatre jours plus tôt - était à peu près équivalent à celui des 130 personnes qui sont mortes à Paris, tuées par l’EI en novembre dernier.

    Il y a toujours eu une déconnexion dans l’esprit du public en Europe entre les guerres en Irak et en Syrie, et les attaques terroristes contre des Européens. C’est en partie parce que Bagdad et Damas sont vus comme des endroits exotiques et effrayants, et les images d’attaques à la bombe sont la norme depuis l’invasion américaine de 2003. Mais il y a une raison plus insidieuse pour laquelle les Européens ne prennent pas suffisamment en considération la relation entre les guerres a Moyen-Orient et la menace à leur propre sécurité.(...)

    traduction de l’article cité par @souriyam
    http://seenthis.net/messages/471827

    • Cette séparation dans les esprits est pour beaucoup dans l’intérêt des responsables politiques occidentaux, parce qu’elle signifie que le public ne voit pas que leurs politiques désastreuses en Irak, en Afghanistan, en Libye et aencore ailleurs, créent les conditions requises pour le développement de l’EI et pour des bandes terroristes du même type que celle à laquelle appartenait Salah Abdeslam..

      Les démonstrations émotionnelles officielles qui suivent généralement ces atrocités, telles que la marche de 40 leaders mondiaux dans une rue de Paris après la tuerie de Charlie Hebdo l’année dernière, contribuent à neutraliser n’importe quelle idée que les échecs politiques de ces mêmes responsables pourraient bien être à un certain degré responsables de ces atrocités.

      Alors que ce genre de marche est habituellement organisé par ceux qui sont privés de pouvoir, pour protester et afficher leur défi, dans ce cas précis ce n’est qu’un coup de pub pour détourner l’attention sur l’incapacité de ces dirigeants à agir effectivement et à faire cesser les guerres - qu’ils ont pour beaucoup contribuées à provoquer - au Moyen-Orient.

      Un aspect étrange de ces conflits est que les dirigeants occidentaux n’ont jamais eu à payer le moindre prix politique pour leur responsabilité dans cette violence, ou pour la poursuite de politiques qui la favorisent. L’EI est une puissance montante en Libye, quelque chose qui ne se serait pas produit si David Cameron et Nicolas Sarkozy n’avaient pas tout fait pour détruire l’État libyen en renversant Gaddafi en 2011.