Lyes Benyoussef

J’écris sur l’Algérie, le Monde arabe, l’Islam.

  • Pourquoi le monde arabe a échoué ?
    Réponse de Burhan Ghalioun :

    (...)
    La dégradation du pouvoir national, de la qualité de ses rapports comme de ceux des élites avec la société, sont ainsi le résultat de l’effondrement du projet nationaliste lui-même, sur ses différents plans et à travers les trois étapes de la renaissance culturelle, de l’indépendance politique et du développement économique. Deux ensembles de facteurs, l’un d’origine externe, l’autre d’origine interne en sont responsables.
    Il y a tout d’abord les impacts directs du processus de trans-nationalisation, agissant comme un processus de sape et de démantèlement de toute autonomie possible des pouvoirs en place dans le Monde arabe, comme partout ailleurs dans le Tiers monde. Cette trans-nationalisation qui doit être entendue autant comme un processus politique et culturel qu’économique, a pour conséquence de priver les États de leur capacité de maîtriser leur devenir, l’environnement dans lequel ils évoluent et de l’empêcher de constituer leur historicité propre. Elle les laisse, matériellement et moralement, à découvert, comme une monnaie de singe. Dans ces conditions, ces États n’ont plus aucune pesanteur ou impact dans le tissu social.
    Cependant, la crise de l’État national n’a pas son origine seulement ni même essentiellement, dans les contradictions objectives du marché international. La ferme volonté des pays industrialisés de préserver leur supériorité absolue dans tous les domaines et de s’opposer à toute modification du schéma de la division international du travail, apparaît clairement aujourd’hui comme la source principale de l’enlisement, voire de l’asphyxie générale des économies comme des États des pays pauvres.
    Au-delà de l’économie, les politiques de corruption systématique par les entreprises des pays industrialisés des élites et classes dirigeantes du Tiers monde, sont l’une des causes principales de la faillite du développement à l’heure actuelle. Se rendant compte de leur incapacité matérielle et objective de sortir de l’impasse dans laquelle elles sont mises par les puissances industrielles, ces élites se laissent rapidement désarmer politiquement et moralement, abandonnant la partie du développement, au profit de la quête des seuls intérêts privés. Elles vont bientôt rivaliser dans la défense des politiques d’abandon et des compromissions, espérant pouvoir se réserver individuellement ou collectivement, une place, ou un rôle dans le marché international.
    Ainsi, jamais un aussi grand mouvement de transfert de capitaux des pays du Tiers monde vers les pays industrialisés n’a été organisé dans l’histoire moderne. En l’espace de deux décennies seulement, des centaines de milliards de dollars ont quitté, et continuent de quitter tranquillement, les pays pauvres. Une véritable hémorragie qui a mis à genoux toutes les économies en voie de développement et cause l’arrêt net de toute croissance. Il y a ensuite les facteurs liés aux contradictions propres aux formations socio-économiques arabes, aux caractéristiques de leur constitution historique, politique, culturelle, aux incohérences de leurs idéologies. Ainsi, la crise politique, idéologique et identitaire engendrée par l’échec se trouve accentuée par l’émergence dans son sillage des formes de solidarités traditionnelles : partielles, régionales ou claniques, comme sources de pouvoir et d’identification en concurrence directe avec celles de l’État. C’est d’ailleurs pour contourner cette dévaluation du pouvoir et de l’ordre nationalistes, que les différents groupes sociaux cherchent à organiser, en dehors de l’État ou au-delà de ses frontières et parallèlement à lui, des réseaux d’échanges culturels et matériels propres, dont dépend leur reproduction. D’où aussi la tendance à la décomposition du tissu national.
    S’articulant avec les facteurs externes qui privent l’État de sa centralité par rapport à l’étranger, et l’ouvrent aux jeux directs des forces extérieures, ces solidarités particulières parviennent parfois à noyauter totalement le pouvoir. L’État ressemble alors de plus en plus à un domaine privé, ou devient effectivement un secteur lucratif parmi tant d’autres, c’est-à-dire le siège d’un groupement d’intérêts particuliers. Il se trouve privé de toute autonomie réelle à l’égard des équipes dirigeantes dont il constitue désormais l’otage. Nous avons vu des pouvoirs qui utilisent l’État pour développer les entreprises privées de la culture des stupéfiants ou de la vente des armes. L’État n’est plus, dans ce cas, cet étalon-or, c’est-à-dire cet espace commun, universel, en fonction duquel sont évalués les rapports de pouvoir, à savoir le politique.
    (...)

    À lire ici :
    http://analysedz.blogspot.com/2012/11/le-malaise-arabe-letat-contre-la-nation.html

    #mondearabe #politique #sociologie