• Au cinéma de Patrick Buisson, le mythe de l’Algérie française ressuscité

    Un homme patiente en lisant un article de magazine, pas gêné par le léger brouhaha qui enveloppe l’assistance : « Comment mettre du don dans son ISF ? » Bonne question. Les lumières de la salle de cinéma sont encore allumées, chacun cherche une place où s’asseoir, salue un ami ou tente de se rapprocher d’un invité plus prestigieux que soi. A ce jeu-là, Philippe de Villiers est le roi. L’ancien candidat à la présidentielle est assailli de poignées de main. Mais le Vendéen n’est pas le héros de la soirée, ce jeudi 7 avril. La vedette, c’est son compère Patrick Buisson, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy et toujours patron de la chaîne Histoire, qui présente au cinéma Gaumont, près de la place de l’Opéra, à Paris, l’avant-première de son documentaire Les Dieux meurent en Algérie (diffusé le 13 avril sur Histoire).

    Après avoir salué chacun des invités à l’entrée de la salle, de ses anciens confrères du journal d’extrême droite Minute aux journalistes de Valeurs actuelles ou du Figaro, en passant par le directeur de cabinet de Marine Le Pen ou son ami le polémiste Eric Zemmour, Patrick Buisson descend au pupitre pour prendre la parole. « L’histoire de la guerre d’Algérie est un champ de mines, une histoire surinvestie par tant d’enjeux mémoriels, symboliques, politiques, idéologiques », reconnaît-il, sans pour autant s’en départir. Celui qui avait tenté de convaincre Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012 de dénoncer les accords d’Evian, qui ont mis fin à la guerre d’Algérie, n’en peut plus des « entreprises insidieuses de culpabilisation ». « Rien de tout ça, vous vous en doutez, dans ce film. » Bien au contraire.

    Ferments religieux

    L’exaltation du « mythe » algérien, du rapport charnel à cette terre colonisée par la France pendant un siècle, passe ici par le récit croisé de combattants des deux camps. Pour résumer, les textes d’Hélie Denoix de Saint Marc répondent à ceux du commandant Azzedine. Avec ce film, Patrick Buisson dit « régler une très ancienne dette à [ses] maîtres, Raoul Girardet et Philippe Ariès », deux historiens aux racines maurrassiennes, comme lui, spécialistes du fait national, et qui ont été des soutiens à des degrés divers de l’OAS. « Je vous laisse le soin d’imaginer d’autres issues au drame algérien », lâche Patrick Buisson, songeur. « Quel gâchis… », souffle une femme assise dans le public.

    Le héraut, avec MM. de Villiers et Zemmour, de la droite « hors les murs », cette droite identitaire qui ne se reconnaît ni dans Les Républicains ni dans le Front national, voit dans la guerre d’Algérie des ferments religieux, et se fait volontiers prophète en ces temps de terrorisme. « Aujourd’hui, certains s’interrogent : la religion et le sentiment national ne seraient-ils pas le cœur battant de l’histoire ? Il n’est pas trop tard pour le comprendre. » Et le conseiller déchu, pour cause de magnétophone intrusif, de conclure son propos par une phrase qui se veut lourde de sens : « On n’en a jamais fini avec la poussière des dieux morts. »

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