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  • La naissance de l’Etat islamique

    L’Etat islamique (EI) nait dans la lutte contre l’occupation américaine de l’Irak. Il s’étend en exploitant les révoltes populaires provoquées par les politiques violentes ou discriminatoires des gouvernements irakiens et syriens.

    Début 2004, le jihadiste jordanien Abu Musab al-Zarqawi forme Al-Qaïda en Irak. Il désirait chasser du pays autant les américains que les groupes religieux non-sunnites et filmait régulièrement des décapitations d’otages. Il s’autonomise rapidement de la direction centrale de Al-Qaïda, en Afghanistan. Le cercle Ben Laden s’inquiétait en effet de son comportement immodéré qui risquait de compromettre le soutien populaire à Al-Qaïda et à l’insurrection.

    Zarqawi désirait mener à bien ses projets en regroupant les sunnites du Nord sous la bannière d’un Etat islamique d’Irak (EII). Cet Etat est proclamé en octobre 2006 malgré la mort de Zarqawi quatre mois plus tôt. C’est un échec. Le millénarisme exacerbé du mouvement l’empêche de faire des choix stratégiques rationnels. L’EII s’en prend aux tribus et à toutes les factions qui refusent de lui faire allégeance. L’émir de l’EII est tué par les forces américaines en avril 2010.

    Abu Bakr al-Baghdadi prend la relève. C’est un ancien étudiant en sciences coraniques passés par les Frères Musulmans et les geôles américaines.

    Les Etats-Unis se retirent d’Irak en 2011, laissant des chiites sectaires au pouvoir et une armée nationale très faible. L’EII remonte en puissance alors que les jihadistes irakiens adaptent leur stratégie : la guérilla affaiblit le gouvernement, mais l’établissement de l’Etat islamique prophétisé passe par un véritable soutien populaire. Il faut respecter les structures du pouvoir et les pratiques religieuses locales pour s’allier les tribus et leur clientèle. Il faut proposer une alternative à la corruption des autorités centrales.

    Le Printemps arabe permet à l’EII d’étendre ses activités à la Syrie où se trouvait déjà d’importants réseaux jihadistes, établis avec le soutien du régime contre les Etats-Unis. Baghdadi n’annonce sa présence dans le pays qu’en 2013, lorsqu’il agrandit l’organisation en Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Il rompt officiellement avec Al-Qaïda alors que l’EIIL se répand dans le Nord de l’Irak, enlevant Falloujah, puis Mossoul, ouvrant la route vers Bagdad.

    En juin 2014, au sommet de son exposition médiatique, Baghdadi se déclare « commandeur des croyants », un titre réservé aux califes successeurs de Mahomet et qu’avait déjà adopté le Mollah Omar lorsqu’il avait créé son émirat en Afghanistan.

    L’Etat islamique se caractérise depuis par une volonté réelle d’être un « Etat », c’est-à-dire d’administrer sa population, en lui fournissant des services et en l’encadrant.

    - William McCants, The ISIS Apocalypse : the history, strategy and doomsday vision of the Islamic State, St. Martin’s Press, 2015.

    – Charles Lister, « Jihadi Rivalry : The Islamic State Challenges al-Qaida », in : Brookings Doha Center Analysis Paper, n°16, janvier 2016.

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