• ici tu vois des ballerines toutes pleines de grâce dans les allées fleuries où un jeune plumbago se dresse, légèrement la tête jettée en arrière, cambré, prêt à turlututupiner un entrechat

    les après-midi filantes, endanse étoile, les soupapes hors-temps où tu oublies légèrement la pensée du mourir
    tant le regard est gorgé de désir et de pensée
    tant les peaux s’abouchent
    et la musique opère au présent son charme de derviche trembleur

    ici, les tires d’ailes se font légion
    les pensées floppées d’ailes
    hors temps pour mieux retrouver le temps
    les noms prennent des allures d’oiseaux
    la hâte éveille
    les sens s’aiguisent
    le coeur s’afflûte, ce ventre !, se couronne de son désir dans la possible légèreté de l’être

    le temps tient en battements de toles
    six toles
    dix toles
    l’oisillon bondit de sa cage d’osselets pour donner corps au monde

    les nombres sont rois
    l’allégresse mathématique
    joyeuse science de fugue en fugue !

    ici, le bureau du professeur est à l’ombre de ses fleurs
    de pensées
    le professeur se perche dessus sa chaise
    oiseau de proie
    sa main posée sur le dossier
    soulève, chef d’orchestre, comme une mélopée de battements d’ailes contre un ciel fait pour un seul envol

    sa main sur la chaise est la pensée incarnée de la dame à la licorne
    et la pensée se matérialise de plus en proche aigüe
    toutes les dames à la licorne ont la main affairée
    ou distraitement occupées
    sa pensée est dans sa main
    son coeur lui galope sur le derme
    son regard intérieur est dans sa paume aveugle

    et qu’est ce que la main ?
    avoir le coeur sur la main
    main : préhension, saisie, manuelle, et conceptuelle, du monde

    la main se tend vers la cage d’osselets
    et ouvre à la dame les espaces dans
    les pourpris

    la dame devient la dame
    le regard devient la dame
    se met en sa scène
    dans sa peau d’âme
    comme elle vient souffler ce petit vent de chair sur toute l’étendue de ses profondeurs
    et incarner
    incarner sa pensée

    le singe disparaît des tapisseries flottantes quand la pensée jaillit en musique
    la musique : singe - c’est-à dire ventre - de la pensée ?

    le désir se carne
    boulverse la pensée
    le désir, de même essence que la musique
    du même paradis
    savant
    mathématique
    précis
    polychromatique
    affleure
    de peau
    à peau
    emparadise
    à fleur de nerfs
    comme la végétation qui danse
    à l’air
    au gré
    d’une plus belle partition

    le ventre du poète - professeur rebelle de rythme - est pour une fois bien nourri

    Serpent à plumes