• « Impuissance » ou « Jouissance à contre-temps », traduction Serpent à Plumes

    Nue s’étendait-elle, dans mes bras pleins d’envie étreinte,
    Moi, empli d’amour, elle, tout de charmes empreinte,
    L’un tant que l’autre d’un feu impatient consumés,
    A se fondre en flammes, tout de désirs animés ;
    Nos bras, jambes et lèvres tout près de s’étreindre,
    Elle m’enlace en son sein, son visage prêt à m’espreindre.
    Sa langue preste – petite foudre de l’amour – s’amusait
    En ma bouche et envers ma pensée conduisait
    L’orde prompt pour que je me dispose à
    Me dissoudre en coup de tonnerre plus bas.
    Mon âme, vague, jaillie d’un baiser affiné,
    Aux bords de ces joies, flotte, en doux parfums déclinées,
    Or, quand d’une main leste elle se voudrait l’éclaireur,
    De cette partie là qui hisserait mon âme à son cœur,
    En divine exstase me liquéfie, expire,
    Me répand en foutre, et de tous mes pores transpire.
    M’eût-elle effleuré de quelque brin de peau, elle eût de même incité le dard,
    Un sexe lui bat en sa main, en son pied, même en ses regards.
    Là voilà qui sourit, sussure un blâme tout clémence,
    Et sur son corps de nos efforts essuie la semence,
    Quand sur ma poitrine hors d’haleine dansent
    Mille baisers, ’Est-ce donc tout ?’ qu’elle me lance,
    ’Passés l’extase de l’amour, le premier ravissement,
    Attelons-nous à honorer le plaisir également !’
    On ne peut plus désespéré, solitaire,
    Je tente en vain de remettre le plaisir,
    Soupire, embrasse, mais ne puis roidir.
    De fervents désirs mon mouvement déconcertent,
    De honte, tout succès tourne à la perte,
    Et enfin la rage vient me confirmer inerte.
    Même ses mains vives, qui sauraient rappeler à la glace
    La chaleur, et pousser un ermite à brûler sur place,
    Sur mon tas de cendres ne réchauffe guère plus ces reliques,
    Que le feu ne les pourraient rendre à leurs flammes antiques.
    Frissonnant, flasque, sans courage, piteux et du reste
    Assoiffé, faible, empoté, je m’étends sans un geste.
    Cette flèche d’amour, dont la pointe acérée a maintes
    Fois éprouvé cent mille vierges de leur sang repeintes,
    Que la Nature guide avec grand art et de tels tours
    A convier depuis leur mont-de-Vénus à leur cœur l’amour ;
    Fermement résolue à envahir femme ou garçon à la légère,
    Sans jamais perdre une once de sa fureur première ;
    A l’endroit où elle perce, des lèvres elle ouvre ou s’avèrent.
    Sans sève, telle une fleur flétrie, atrophiée, réduite,
    A présent se mourant en cette heure maudite.
    O toi, perfide déserteur de mes flammes,
    Fatal à ma renommée, à ma passion sans âme,
    Par quel magie ingrate et sous quel jour
    S’avèrer fidèle au vice, ainsi faillir à l’amour ?
    Quelle vendeuse d’huîtres, quelle indigente, Cendrillon, fille de joie,
    N’as-tu honorée de ton vivant et de bon aloi,
    Quand le scandale, le malsain, le vicieux te guident
    Quelle hâte ne déploies-tu pas sous leur égide ?
    Telle une brute, tonnant de par les rues,
    se bagarre, giffle, sur tout ce qui croise sa route se rue,
    Mais si c’est son roi ou sa patrie qui l’appellent,
    Qui rentre la tête, le dissolu recule ;
    Toutefois, tu étales ton brutal courage,
    A violer bordels, chaque fille légère engages,
    Mais si l’amour commande qui a les rênes,
    Déloyal et lâche, ton prince tu réfrènes.
    Pars pessima nostri, objet donc de mon dégoût,
    De par la ville, commun relais sans goût,
    Sur lequel viennent à se soulager les prurits des putains sans vergogne,
    Comme les porcs en rut contre les poteaux se frottent et puis grognent,
    Puissent des chancres voraces t’avaler,
    Puisses-tu en purulentes pertes t’écouler.
    Puissent les pierres et les ténesmes en tes jours s’établir,
    Puisses-tu ne jamais uriner, qui n’as conssenti à jouir,
    Quand mes joies par le traître que tu fais respirent.
    Et puissent dix mille verges puissantes consentir,
    A te racheter, et Corinna noyer dans le plaisir.